Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/190

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j’avais tout lieu de craindre, attendu l’impossibilité où je serais de faire aucun établissement dans l’intérieur du pays, de voir la colonie plongée de nouveau dans la situation la plus critique. Les troupes, ne voyant arriver aucun des renforts que je leur promettais sans cesse, se regardaient comme abandonnées, car les bruits semés à l’Île-de-France, sur la diminution de mes forces, avaient été, malgré toutes mes précautions, divulgués à Madagascar. La patience courageuse de mes officiers qui avaient pris la ferme résolution de faire leur devoir en relevant les esprits des soldats, était le seul soutien de mon âme chancelante. Mais comment traverser la crise ? Comment obtenir le succès indispensable à l’affermissement de ma puissance naissante ? Qui pouvait répondre de la solidité de mes forces ? Les épidémies et les combats les réduisaient fatalement ; et le Desforges m’avait ramené de Bourbon… quatre méchants mercenaires.

« Après avoir triomphé de l’intempérie d’un climat brûlant, après avoir vu ses troupes diminuer d’un tiers, en être réduit à faire face à tout avec une poignée de soldats épuisés de fatigue ! Trembler de perdre les avantages obtenus ; craindre jusqu’aux moyens évidents d’assurer le succès ; et cela par la faute du gouvernement qu’on sert !

« Les ministres du roi m’avaient solennellement promis que je recevrais tous les ans un renfort de cent vingt hommes et que, d’un autre côté, l’Île-de-France fournirait à mes plus pressants besoins. – Rien ne me manquerait pour assurer le succès de ma mission ! – Odieuse ironie ! – Deux années s’étaient écoulées sans que l’on eût songé à tenir la moindre de ces promesses !… Si les secours tardaient encore, – je sentais l’impossibilité de réaliser mes plus sages desseins ; – tous les fruits de mes travaux, de mes fatigues, de mon adresse et de ma patiente énergie disparaissaient, – et la France serait pour