Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/27

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Dans la carrière agitée de l’aventureux gentilhomme, ces six mois sont semblables à une oasis au milieu des sables brûlants, à une île verdoyante parmi les rochers et les tempêtes, à une trêve, à une halte passagère. – Hélas ! combien ils furent rapides, ces six mois de paix et d’amour, ces six mois d’oubli du monde qui s’agitait en deçà et par-delà le sommet des Karpathes.

Mais le signal redouté est donné tout à coup. L’heure du devoir et du danger sonne ; – elle a sonné :

— Je vais combattre pour l’indépendance de ma patrie ! Ô Salomée, chère compagne de mes seuls beaux jours, me sera-t-il jamais donné de te revoir !

— Tu pars ! et je resterais ici en proie à des inquiétudes mortelles, loin du théâtre des événements ! Non, Maurice, je ne suis pas de ces femmes qui peuvent pleurer et attendre ! Je ne pleure pas, moi !… mais j’accompagne mon époux !

— Lorsque la guerre civile et la guerre étrangère menacent à la fois mon malheureux pays, tu voudrais me suivre !… C’est impossible… Demeure auprès de ta mère, prie, espère, mets ta confiance dans le Dieu qui protège les causes justes.

— C’est sous le drapeau de la Pologne et non au château des Opales qu’est la place de la comtesse de Béniowski.

Maurice dut céder à la volonté de sa jeune femme. Peu de jours après, ils arrivaient ensemble sous les murs de Cracovie. Le vicomte de Chaumont-Meillant, Vasili, et une troupe assez nombreuse de serviteurs enrôlés sur la frontière de Hongrie, les accompagnaient.

Nommé sur le champ colonel-général commandant de la cavalerie, le comte de Béniowski se signala dès les débuts de la campagne. Là, le major Windblath se trouva placé sous ses ordres ; quant au vicomte français, il avait pris parti pour les