Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/277

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roi des rois, qui passait pour mort dans tout le nord de l’île, ne crut pas à sa lettre, craignit une surprise, et ne se sentant pas de force à lutter contre des Européens, abandonna complétement le pays. – Déjà plusieurs fois des négriers, par ruse ou par force, avaient fait des prisonniers sur la côte nord-ouest de Madagascar. – Redoutant une nouvelle agression, Rozai se retira vers les monts Anquiripy. Au moment où Béniowski mettait pied à terre, toute la tribu d’Antangara était en fuite. Et personne à qui donner la mission de rappeler le timide Rozai !…

Le général ne pouvait se fier qu’à Vasili et à son fils Wenceslas. Pour convaincre les indigènes, il voulait se montrer en plein kabar ; mais Rozai, prince faible que l’âge et les revers avaient rendu plus faible encore, au lieu de l’attendre, se rendait dans les domaines du roi du Nord, son suzerain.

Wenceslas proposa respectueusement de se rembarquer.

— Non ! non ! s’écria Béniowski, non ! j’ai touché la terre de Madagascar. Quoi qu’il arrive mon fils, je ne me rembarquerai jamais !… Quant à toi, si je succombe, eh bien ! puisque tu n’es lié par aucun serment, retourne à bord de l’Intrépide, fais-toi conduire en France, et là, tu diras à Richard que je lui lègue ma dette d’honneur envers mes associés de Baltimore.

Un camp fut établi dans l’enceinte même du village évacué par Rozai. Béniowski fit braquer ses canons et pierriers, emmagasina ses marchandises dans les huttes des Sakalaves, passa l’inspection des soixante et quelques hommes qui lui restaient, et dit enfin :

— L’heure est venue, où je ne veux avoir sous mes ordres que des gens de cœur et de bonne volonté. Mon artillerie et mes munitions sont à terre !… De gré ou de force, vous m’avez obéi jusqu’à présent, eh bien ! à présent, je laisse libres de retourner à bord de l’Intrépide ceux d’entre vous qui ne sont pas