Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/41

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motifs pour vouloir que la rencontre de l’Aréthuse avec la Pomone eût lieu hors de vue des terres, et que les Portugais ni les Chinois n’eussent aucune connaissance des mesures qu’il prendrait à l’égard des prisonniers.


Dans les eaux des Philippines, à l’aspect de la Pomone dont les couleurs françaises le firent tressaillir de joie, Béniowski s’était dirigé sur elle avec sa jonque la Pescadora.

Le baron de Luxeuil donna au porte-voix l’ordre au capitaine et au lieutenant de se rendre à son bord.

Béniowski et le chevalier du Capricorne devenu par la force des choses second du bâtiment, comparurent donc devant lui peu d’instants après.

Le général avait eu soin d’apporter tous les papiers de nature à établir son identité, son journal nautique et les plus importantes pièces des archives russes du Kamchatka, – documents précieux que, dans toutes les occasions périlleuses, il plaçait sur sa poitrine, de crainte de survivre à leur perte. Il ne s’attendait guère, cette fois, au traitement qu’on lui réservait, et ne s’était muni de son dossier de pièces justificatives que pour entrer plus promptement en rapports utiles avec un représentant du gouvernement français.

Le chevalier, profond connaisseur en matière de prises maritimes, hocha la tête, car le commandant de la Pomone, au lieu de venir au devant du général, l’attendait sur la dunette, en causant avec ses plus jeunes officiers.

— Vilains draps !… anguilles sous roches !… mauvaise odeur de corde !… murmura-t-il, ou je n’ai plus l’œil américain… Ah ! Madagascar ! Madagascar !… Enfin, le vin est tiré, il faut… voir comment s’en tirera le général.

Béniowski, blessé de la froideur insolite du capitaine français, s’avança d’un air digne, gravit l’escalier de la dunette,