Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/120

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de le recevoir et de le fêter. Le consulat de France donna une soirée brillante à son intention. Il fut le lion du moment.

Avec la santé, le jeune capitaine eut bien vite retrouvé toute son énergie. Son audace s’accrut de ses revers mêmes : l’idée de retourner en Sonore devint une idée fixe, dont rien ne devait plus le détourner désormais.

Dès les premiers jours de son arrivée à San Francisco, il écrivait ceci à M. Edme de M*** :

« … Non, je n’ai pas abandonné l’espérance de triompher dans cette lutte avec la chance contraire où je me suis vu engagé depuis le berceau : Sisyphe roulant sur son rocher éternellement, Jacob luttant toute une nuit contre un fantôme, c’est une image de la vie de certains hommes ; n’est-ce pas un peu la mienne ? Non, je n’ai pas renoncé !

» Lorsque je me suis vu abandonné par mes gens qui, incapables de se conduire eux-mêmes pendant ma terrible maladie, se sont soumis, vainqueurs, à un général vaincu ; lorsque je me suis vu mourant, et ceci a duré six semaines, je n’ai eu qu’une pensée : ressaisir la santé, la force, l’intelligence, la volonté et retourner en Sonore.

» Retourner en Sonore, c’est l’unique pensée de ma vie.

» Voilà bientôt un mois et demi que je suis en Californie ; si j’étais Américain, tout irait de soi-même. J’aurais déjà trouvé, et au delà, les capitaux nécessaires ; je serais déjà reparti. Ma qualité d’étranger m’est un obstacle dans ce pays-ci. Les Américains me témoignent beaucoup d’estime et de sympathie ; je suis, parmi eux, plus apprécié que parmi les Français ; mais l’idée qu’ils se font de l’ambition du gouvernement français, de ses idées d’agrandissement, de ses vues larges et hardies, qui malheureusement n’existent que dans l’imagination susceptible des Américains, tout cela leur fait redouter de placer entre mes mains des armes destinées à se tourner contre eux-mêmes.

» Ils se trompent cependant. Je n’ai malheureusement rien de commun avec le gouvernement français. Mes idées sont en moi, mes moyens