Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/123

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mais borné, qui s’imaginait sauver la république en multipliant les revues militaires. Au mois de mars, la situation politique n’était plus tenable, la désorganisation de tous les services amena une crise depuis longtemps prévue et redoutée. Les caisses publiques étaient vides ; les ministres eux-mêmes ne savaient où prendre leurs appointements. Chaque jour les soldats, sans solde depuis plusieurs mois, se mutinaient ; les pronunciamento provinciaux recommençaient de toute part ; plus de commerce, plus d’industrie, plus de sécurité. L’émigration des gens riches se faisait dans des proportions effrayantes ; on prit le parti du désespoir. La dictature fut votée, et un vaisseau de l’État partit pour aller chercher le général Santa Anna dans son exil.

M. de Raousset mit tout en œuvre pour tirer parti de cette situation, mais l’engouement des premiers jours était passé. Pour les uns, il était devenu un embarras ; pour les autres, un danger ; et chaque jour rendit l’exécution de ses projets plus difficile. Retourner en Sonore avec une poignée d’hommes était chose aisée, mais aussi, n’était-ce pas trop tenter Dieu ? Le minimum arrêté dans son esprit fut un millier de soldats : l’expédition restait aventureuse, elle n’était plus téméraire. Par malheur, l’organisation et l’équipement de cette troupe exigeaient bien au-delà des ressources mises à sa disposition.

Sur ces entrefaites, un Américain, M. Walker, se préparait à envahir la basse Californie. Il s’aboucha avec M. de Raousset et lui offrit de l’associer à son entreprise. M. de Raousset refusa le commandement qu’on lui cédait. Pour lui, Walker et ses gens étaient des flibustiers, et rien ne justifiait leur invasion. Il ne voulut pas