Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/240

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224- Traite

état font perdues pour lui : il les écoute , comme nous écoutons ce qu’on nous raconte de notre enfance, qui nous paroîtroit une vraie fable , fans l’exemple de tous les autres enfans. La naiflance & la mort , nous paroitroient également des chimères, fans ceux qu’on voit naître & mourir. Les fauvages , qui fc fouviennent de la variété des états , par ou ils ont paife , n’ont éic égarés qu’à un certain point ; aulfi les trouve-t-on marchant comme les autres- hommes iur les pieds feulement. Car ceux qui depuis leur origine ont longtemps vécu parmi les bêtes , ne ië fouviennent point d’avoir exifté dans la fociété d’autres êtres : leur vie fauvage , quelque longue qu’elle ait été , ne les a pas ennuyés, elle n’a dure pour eux qu’un infiant, comme on l’a déjà dit ; enfin ils ne peuvent fe perfuader qu’ils n’ont pas toujours été tels qu’ils fe trouvent au moment qu’on leur ouvre les yeux fur leur mifere , en leur procurant des fenfations inconnues , & l’occalion de fe replier fur CCS fenfations.

Toute la Hollande a eu le plaifant fpeélacle d’un enfant , abandonné dans je ne fais quel defert, élevé & trouvé enfin parmi des chèvres fauvages. Il fe traînoit & vivoit comme ces animaux ; il avoit les mêmes goûts , les mêmes inclinations , les mêmes fons de voix : la même imbécillité étoit peinte fur fa phyfionomie. M. JSoerhaave , qui nous faifoic