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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/168

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Puiſque ce qui peut s’acquérir a une ſi grande liaiſon avec notre bien-être, tâchons de rendre notre éducation parfaite. C’eſt déjà une perfection, que de connoître une ou mille vérités ſtériles, & qui ne nous importent pas plus que toutes ces plantes inutiles dont la terre eſt couverte ; mais c’eſt un bonheur, lorſque cette vérité peut tranquilliſer notre ame ; en nous délivrant de toute inquiétude d’eſprit, & ne nous laiſſant que celles du corps, plus aiſées à ſatisfaire. La tranquillité de l’ame, voilà le but d’un homme ſage. Séneque l’eſtimoit ſi fort, qu’il en a exprès donné un long traité.

Faiſons donc tout ce qui peut nous procurer ce doux repos, & tâchons de le procurer aux autres. Diſons-le à haute voix, à la face des Pyrrhoniens, réparons ce que nous croyons ſupprimé par Séneque dans une ſublime[1] définition qu’il nous a enfin donnée du bonheur : oui, il eſt une vérité utile & frappante, c’eſt que le ſein de la nature qui nous a produit, nous attend tous ; il eſt néceſſaire que nous retournions au lieu d’où nous ſommes venus. Si Séneque n’avoit pas eu à cœur cette grande vérité, (dont on trouve par-tout des traces claires & nullement équivoques dans ſes

  1. Celui-là eſt heureux, qui par raiſon ne craint, ni ne déſire.