Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/76

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pierres ? Et dans la végétation de tous les corps, depuis le mou juſqu’au plus dur, tout ne dépend-il pas des ſucs nourriciers plus ou moins terreſtres, & appliqués avec divers degrés de force à des maſſes plus ou moins dures ? Par-là en effet je vois qu’un rocher doit moins croître en cent ans, qu’une plante en huit jours.

Au reſte, il faut pardonner aux anciens leurs ames générales & particulieres. Ils n’étoient point verſés dans la ſtructure & l’organiſation des corps, faute de phyſique expérimentale & d’anatomie. Tout devoit être auſſi incompréhenſible pour eux, que pour ces enfans, ou ces ſauvages, qui voyant pour la premiere fois une montre, dont ils ne connoiſſent pas les reſſorts, la croient animée, ou douée d’une ame comme eux, tandis qu’il ſuffit de jeter les yeux ſur l’artifice de cette machine, artifice ſimple, qui ſuppoſe véritablement, non une ame qui lui appartienne en propre, mais celle d’un ouvrier intelligent, ſans lequel jamais le haſard n’eût marqué les heures & le cours du ſoleil.

Nous beaucoup plus éclairés par la phyſique, qui nous montre qu’il n’y a point d’autre ame du monde que dieu & le mouvement ; d’autre ame des plantes, que la chaleur ; plus éclairés par l’anatomie, dont le ſcapel s’eſt auſſi heureuſement exercé ſur elles, que ſur nous & les animaux ;