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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/84

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par la même raiſon qu’il ne ſort point d’étincelle d’un caillou, s’il n’eſt dur. L’homme né de parens plus nus ; plus nu, plus délicat lui-même que l’animal, il ne peut avoir ſi vîte ſon intelligence ; tardive dans l’un, il eſt juſte qu’elle ſoit précoce dans l’autre ; il n’y perd rien pour attendre ; la nature l’en dédommage avec uſure, en lui donnant des organes plus mobiles & plus déliés.

Pour former un diſcernement, tel que le nôtre, il falloit donc plus de temps que la nature n’en emploie à la fabrique de celui des animaux ; il falloit paſſer par l’enfance, pour arriver à la raiſon ; il falloit avoir les déſagrémens & les peines de l’animalité, pour en retirer les avantages qui caractériſent l’homme.

L’inſtinct des bêtes donné à l’homme naiſſant n’eût point ſuffi à toutes les infirmités qui aſſiégent ſon berceau. Toutes leurs ruſes ſuccomberoient ici. Donnez réciproquement à l’enfant le ſeul inſtinct des animaux qui en ont le plus, il ne pourra ſeulement pas lier ſon cordon ombilical, encore moins chercher le teton de ſa nourrice. Donnez aux animaux nos premieres incommodités, ils y périront tous.

J’ai enviſagé l’ame, comme faiſant partie de l’hiſtoire naturelle des corps animés, mais je n’ai garde de donner la différence graduée de l’une