Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/135

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les plus tendres & les plus délicats, ne doit point nous envier une double force, qui ne semble avoir été donnée à l’homme ; l’une, que pour se mieux pénétrer des attraits de la beauté ; l’autre, que pour mieux servir à ses plaisirs.

Il n’est pas plus nécessaire d’être aussi grand physionomiste, que cet auteur, pour deviner la qualité de l’esprit, par la figure, ou la forme des traits, lorsqu’ils sont marqués jusqu’à un certain point, qu’il ne l’est d’être grand médecin, pour connoître un mal accompagné de tous ses symptômes évidens. Examinez les portraits de Locke, de Steele, de Boerhaave, de Maupertuis, &c. vous ne serez point surpris de leur trouver des physionomies fortes, des yeux d’aigle. Parcourez-en une infinité d’autres, vous distinguerez toujours le beau du grand génie, & même souvent l’honnête homme du fripon. On a remarqué, par exemple, qu’un poëte célèbre réunit (dans son portrait) l’air d’un filou avec le feu de Prométhée.

L’histoire nous offre un mémorable exemple de la puissance de l’air. Le fameux duc de Guise étoit si fort convaincu que Henri III, qui l’avoit eu tant de fois en son pouvoir, n’oseroit jamais l’assassiner, qu’il partit pour Blois. Le chancelier Chiverny apprenant son départ, s’écria voilà un homme perdu. Lorsque sa fatale prédiction fut justifiée par l’événement, on lui en demanda la raison. Il y a