Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/148

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presque muet, l’âme étoit à l’égard de tous les objets, comme un homme, qui, sans avoir aucune idée des proportions, regarderoit un tableau, ou une pièce de sculpture ; il n’y pourroit rien distinguer : ou comme un petit enfant (car alors l’âme étoit dans son enfance) qui tenant dans sa main un certain nombre de petits brins de paille, ou de bois, les voit en général d’une vue vague & superficielle, sans pouvoir les compter, ni les distinguer. Mais qu’on mette une espèce de pavillon, ou d’étendart à cette pièce de bois, par exemple, qu’on appelle mât : qu’on en mette un autre à un autre pareil corps ; que le premier venu se nombre par le signe 1. & le second par le signe, ou chiffre 2 ; alors cet enfant pourra les compter, & ainsi de suite il apprendra toute l’arithmétique. Dès qu’une figure lui paroîtra égale à une autre par son signe numératif, il conclura sans peine que ce sont deux corps différens ; que 1. & 1. font deux, que 2. & 2. font 4. &c.[1]

C’est cette similitude réelle, ou apparente des figures, qui est la base fondamentale de toutes les vérités & de toutes nos connoissances, parmi

  1. Il y a encore aujourd’hui des peupies qui, faute d’un plus grand nombre de signes, ne peuvent compter que jufqu’à 20.