Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/153

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aussi ridicule de se trouver laide, qu’un homme d’esprit, de se croire un sot. Une modestie outrée (défaut rare à la vérité) est une sorte d’ingratitude envers la nature. Une honnête fierté au contraire est la marque d’une âme belle & grande, que décelent des traits mâles, moulés comme par le sentiment.

Si l’organisation est un mérite, & le premier mérite, & la source de tous les autres, l’instruction est le second. Le cerveau le mieux construit, sans elle, le seroit en pure perte ; comme sans l’usage du monde, l’homme le mieux fait ne seroit qu’un paysan grossier. Mais aussi quel seroit le fruit de la plus excellente école, sans une matrice parfaitement ouverte à l’entrée, ou à la conception des idées ? Il est aussi impossible de donner une seule idée à un homme, privé de tous les sens, que de faire un enfant à une femme, à laquelle la nature auroit poussé la distraction jusqu’à oublier de faire une vulve, comme je l’ai vu dans une, qui n’avoit ni fente, ni vagin, ni matrice, & qui pour cette raison fut démariée après dix ans de mariage.

Mais si le cerveau est à la fois bien organisé & bien instruit, c’est une terre féconde parfaitement ensemencée, qui produit le centuple de ce qu’elle a reçu : ou (pour quitter le stile figuré souvent nécessaire, pour mieux exprimer ce qu’on sent &