Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/156

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l’habitude de les examiner elles-mêmes avec attention ; plus profondément pénetrée des traces, ou des images, que de leur vérité ou de leur ressemblance.

Il est vrai que telle est la vivacité des ressorts de l’imagination, que si l’attention, cette clef ou mère des sciences, ne s’en mêle, il ne lui est guères permis que de parcourir & d’effleurer les objets.

Voiez cet oiseau sur la branche, il semble toujours prêt à s’envoler ; l’imagination est de même. Toujours emportée par le tourbillon du sang & des esprits ; une onde fait une trace, effacée par celle qui suit ; l’âme court après, souvent en vain : Il faut qu’elle s’attende à regretter ce qu’elle n’a pas assez vite saisi & fixé : & c’est ainsi que l’imagination, véritable image du temps, se détruit & se renouvelle sans cesse.

Tel est le chaos & la succession continuelle & rapide de nos idées ; elles se chassent, comme un flot pousse l’autre ; de sorte que si l’imagination n’employe, pour ainsi dire, une partie de ses muscles, pour être comme en équilibre sur les cordes du cerveau, pour se soutenir quelque tems sur un objet qui va fuir, & s’empêcher de tomber sur un autre, qu’il n’est pas encore tems de contempler ; jamais elle ne sera digne du beau nom de jugement. Elle exprimera vivement ce qu’elle aura senti de