Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/203

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vous lui ôtez l’immortalité ; qui ne voit que c’est une assertion gratuite ? qui ne voit qu’elle doit être ou mortelle, ou immortelle, comme la nôtre, dont elle doit subir le même sort, quel qu’il soit ; & qu’ainsi c’est tomber dans Scilla, pour vouloir éviter Caribde ?

Brisez la chaîne de vos préjugés ; armez-vous du flambeau de l’expérience, & vous ferez à la nature l’honneur qu’elle mérite, au lieu de rien conclure à son désavantage, de l’ignorance, où elle vous a laissée. Ouvrez les yeux seulement, & laissez-là ce que vous ne pouvez comprendre ; & vous verrez que ce laboureur, dont l’esprit & les lumières ne s’étendent pas plus loin que les bords de son sillon, ne diffère point essentiellement du plus grand génie, comme l’eût prouvé la dissection des cerveaux de Descartes & de Newton : vous serez persuadé que l’imbécille, ou le stupide, sont des bêtes à figure humaine, comme le singe plein d’esprit est un petit homme sous une autre forme ; & qu’enfin tout dépendant absolument de la diversité de l’organisation, un animal bien construit, à qui on a appris l’astronomie, peut prédire une éclipse, comme la guérison, ou la mort, lorsqu’il a porté quelque tems du génie & de bons yeux à l’école d’Hippocrate & au lit des malades. C’est par cette file d’observations & de vérités qu’on parvient à lier à la matière l’admirable proprieté de penser,