Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/234

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cés sont-ils les plaisirs ? Songez que vous reverrez un jour votre amante, ou que l’amour, dont l’empire ne finit qu’avec l’univers, sensible à de nouveaux besoins, vous enflammera pour d’autres bergères, peut-être encore plus aimables.

Amans, qui êtes sur le point de quitter vos belles, que vos adieux soient tendres, passionnés, plein de ces nouveaux charmes que la tristesse y ajoute. Je veux que vous surpassiez un peu la nature, mais ne l’excédez jamais : c’est à la tendresse à seconder le tempérament & à faire les derniers efforts. Qu’il seroit heureux de trouver une ressource imprévue, au moment même qu’on s’embrasse pour la dernière fois, au moment que les pleurs mutuels de deux amans prenant divers cours, semblent être les garans de leur douleur & de leur fidélité, en même temps que la marque & le terme de leurs plaisirs !

Ô vous ! qui voulez faire croître les myrtes de Vénus avec les pavots de Morphée, voluptueux de tous les temps, prenez tous mon guerrier pour modèle ; ne craignez ni les caprices du réveil, ni le défaut de sentiment. Si le rendez-vous est bien pris, si les cœurs sont d’intelligence, Flore en aura bientôt assez pour goûter à la fois & les douceurs du sommeil & celles de l’amour. Soyez seulement habile économe de vos plaisirs ; sachez l’art délicat de les filer, de les faire éclorre dans le cœur d’une amante endormie ; & vous éprou-