Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/237

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leur sont chers, que les restes leur sont précieux ! Est-ce la volupté même qui plane dans son atmosphère ? Voyez-vous connme ils les ménagent, les chérissent, les recueillent en silence, les yeux fermés, comme au centre de leur imagination ravie, semblables à une tendre mère qui couvre de les ailes & retient dans son sein ses petits qu’elle craint de perdre ! vos transports sont à peine finis, Climène, & vous avez déjà la force de parler ! ah ! cruelle !

Dans le souverain plaisir, dans cette divine extase l’âme semble nous quitter pour passer dans l’objet adoré, où deux amans ne forment qu’un même esprit animé par l’amour, quelque vifs que soient ces plaisirs qui nous enlèvent hors de nous-mêmes, ce ne sont jamais que des plaisirs : c’est daas l’état doux qui leur succède, que l’âme en paix, moins emportée, peut goûter à longs traits tous les charmes de la volupté. Alors en effet elle est à elle-même, précisément autant qu’il faut pour jouir d’elle-même ; elle contemple sa situation avec autant de plaisir qu’Adonis sa figure, elle la voit dans le miroir de la volupté. Heureux momens, délire ou vertige amoureux, quelque nom qu’on vous donne, soyez plus durables, & ne fuyez pas un cœur qui est tout à vous.

Ne m’approchez pas, mortels fâcheux & turbulens, laissez-moi jouir… Je suis anéanti, im-