Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/243

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dont l’amour permet la célébration, rien aussi ne doit rendre infracteur de la foi qu’on a jurée à sa maîtresse. Belles, vous jugerez vos amans par leur générosité ; c’est sa balance des cœurs. Veulent-ils forcer vos goûts, violer votre prudence, & sans égard pour de trop justes craintes, vous exposer aux suites fâcheuses d’une passion sans retenue ? Soyez sûres qu’ils vous trompent, qu’ils ne sont qu’impétueux, & que vous n’êtes pas vous-mêmes ce qu’ils aiment le plus en vous.

Voyons comment tous les sens concourent à nos plaisirs. On sait déjà que Vénus peut être physique, sans perdre de ses grâces. Le plus beau spectacle du monde est une belle femme ; il se peint dans ses yeux : c’est par eux que passe dans l’âme l’image de la beauté, image agréable dont la trace nous suit par-tout, source féconde en amoureux désirs. Sans cet admirable organe, miroir transparent où se vient peindre en petit tout l’univers, on seroit privé de cette Sirène enchanteresse, aux pièges de laquelle il est si doux de se laisser prendre. C’est elle qui embellit tout ce qu’elle touche, & se représente tout ce qu’elle veut. Ses brillans tableaux charment nos ennuis dans l’absence, qui disparoit pour faire place à l’objet aimé dont l’imagination est le triomphe ; ses yeux de Lynx s’étendent sans bornes sur l’avenir comme sur le passé ; par eux, par la manière dont ils sont