Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/48

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Chloë, que l’amour en un mot le plus voluptueusement, ou le plus délicatement rendu dans la princesse de Clèves, dans Tanzaï & Néadarné, dans le Sopha, dans les égaremens de l’esprit & du cœur, dans Théagenes & Chariclée, le temple de Gnide, &c. ou même divinement chanté. Plus un tableau est lascif, plus il sorme une image naïve & parlante d’une réalité, que le cœur adore. Si on ne jouit pas soi-même, on aime à voir, même en figure, ceux que la jouissance satisfait. La vue des plaisirs d’autrui nous fait du moins sentir que nous avons en nous-mêmes la facilité d’être aussi heureux, & qu’avec les mêmes désirs, il suffit d’invoquer le dieu d’amour, pour être comblé des mêmes saveurs, & sentir les mêmes transports.

Dans la carrière que tant de beaux génies m’ont ouverte, il est donc facile de distinguer ceux qui l’emportent sur tous les autres. Ce sont sans doute les écrivains, qui fuyant toute idée d’obscénité grossière, ont apprivoisé les cœurs les plus farouches, & sont venus à bout de vaincre la pudeur, sans la révolter. Il étoit trop juste qu’ils fussent couronnés de myrtes, par les mains des grâces, à demi-nues ; j’en sais même parmi mes anciens amis, à qui je décernerois l’honneur du triomphe.

Je viens à toi, puissant maître dans l’art des voluptés, toi qui te fais un jeu de suspendre ma res-