Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/73

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pour être heureux ; que dirai-je enfin ? il faudroit décrire l’univers ; toute la nature est dans un cœur qui sent la volupté.

Vous connoissez à présent combien la volupté diffère du plaisir. Voici la différence, qui se trouve entr’elle, & la débauche.

La volupté est peut-être aussi différente de la débauche, que la vertu l’est du crime. Les cœurs corrompus ne peuvent être vertueux, & ceux-ci ne peuvent être débauchés, ou criminels.

Le plaisir est de l’essence de l’homme, & de l’ordre de l’univers. La débauche seule, & tout ce qui nuit à l’intérêt de la société, est crime ou désordre ; je n’en connois point d’autre, ni de vertu, que celle qui est utile à l’état. Le goût du plaisir a été donné à tous les animaux, comme un attribut principal ; ils aiment le plaisir pour lui-même, sans porter plus loin leurs idées. L’homme seul, cet être raisonnable, peut s’élever jusqu’à la volupté : car quel plus beau, quel plus magnifique apanage de la raison ? Il est distingué dans l’univers par son esprit ; un choix délicat, un goût épuré, en rafinant ses sensations, en les redoublant en quelque sorte par la réflexion, en a fait le plus parfait, c’est-à-dire le plus heureux des êtres. S’il est malheureux, il faut croire que c’est par sa faute, ou par l’abus qu’il sait des dons de la nature.