Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/85

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auteurs, d’ajouter ce qui manque à la réalité, comme à son triomphe.

Jettez les yeux sur le tableau de l’amour conjugal, & sur tous les ouvrages de ces physiciens, qui aimant plus la nature, qu’ils ne l’ont connue, ont cherché le plaisir dans les plus sérieuses recherches. Avec quelle ingénieuse adresse, l’amour profite de l’ignorance même des mortels qu’il instruit ! sur-tout il se plaît à éclairer les amans ignorans, qui ne voudroient que savoir aimer. Vous le savez, Daphnis & Chloé, heureux ignorans, trop séduisans bergers, s’il n’y avoit du plaisir à être séduit avec vous.

Où est l’amour ? (s’il m’est permis d’imiter ici un auteur charmant) il est sur les lèvres de Chloé, il n’a semé les lis sur son teint, que pour donner à Daphnis le plaisir de les changer en roses. Voyez-le voltiger sur son sein. Comme il se joue avec un souffle badin, dans les boucles de ses beaux cheveux blonds, il folâtre de même sous ce verd feuillage : la vie de ce jeune myrte est bien courte, il sera bientôt flétri ; mais il profite du peu de jours qui lui sont accordés ; il ne se refuse, ni aux caresses de Flore, ni aux douces haleines de Zéphire. Imitez-le en tout, bergère que sa vie soit l’image de la vôtre, & par la durée, & par les plaisirs.

Jeune Chloé, vous me fuyez, en vain je vous appelle, en vain je vous poursuis… déjà tous vos