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DE LA VERTU DES PAY. II. PART.


ſent fent contre Socrate, comme contre un impie & un Athée, qui renverſoit autant qu’il lui étoit poſſible, tous les Autels. C’eſt par là qu’ils émûrent tout le peuple contre lui, après voir fait repréſenter des Comedies de la compoſition d’Ariſtophane[1], où Socrate ſoutenoit, qu’il n’y avoit point d’autres Dieux que le Chaos, les Nuës, & la Langue ; enſeignoit enſuite aux enfans à battre leurs peres ; & puis étoit étranglé, & ſa maiſon brûlée avec ſon ſous-maitre Chærephon ; le tout pour le jetter dans une haine publique, & afin de porter la populace d’Athenes à le mal traiter. Mais on ne ſauroit attribuer qu’à la ſeule envie, qui en veut toûjours aux plus grands hommes, la calomnie de Porphyre. Lui ſeul écrivit plus de mal contre Socrate[2], & vomit plus d’injures contre ſa réputation, que tous ſes délateurs n’avoient fait, lorſqu’ils l’opprimèrent de leurs fauſſes accuſations. Ce qui montre bien la vérité du Proverbe Grec, qui porte, qu’on verroit plûtôt une aloüette ſans houpe ſur la tête, qu’une vertu éminente ſans envie.

Les Peres, qui ont pris la liberté de faire des invectives contre Socrate, & contre quelques-uns des plus renommés Philoſophes après lui, avoient bien d’autres mouvemens. '

  1. In Nebulos.
  2. Socrat. Eccl. Hiſt. l. 3. c. 19.