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DE LA VERTU DES PAY. II. PART.


ſuadés que ſon bon Ange étoit le véritable Démon, qui le gouvernoît.

Encore que nous aions répondu le plus à la décharge de Socrate, que nous avons pû ſur tout ce qui lui étoit imputé, je ſerois fâché pourtant d’avoir prononcé affirmativement pour ſon ſalut, ni de l’avoir mis auec certitude au rang des Bienheureux, comme il ſemble que quelques uns aient voulu faire. Quand il auroit été Chrétien de la façon que Juſtin Martyr l’a entendu, il ne laiſſoit pas d’être comme homme, pêcheur d’ailleurs, & nous ne tenons pas que tous les Chrétiens ſoient participans de la béatitude éternelle. C’eſt pourquoi je trouve, qu’on a raiſon de reprendre Eraſme, d’avoir oſé écrire dans un de ſes Dialogues[1], qu’autant de fois qu’il liſoit la belle fin de Socrate, il avoit bien de la peine à s’empêcher de dire, O St Socrate priés Dieu pour nous. Ces paroles ſont trop hardies, auſſi bien que celles qui ſuivent en même lieu, où il parle des ſaintes ames de Virgile & d’Horace. Mais comme je penſe qu’on ne ſauroit ſans témerité, aſſurer que Dieu ait fait la grace à Soçrate de le recevoir dans ſon Paradis, je crois que la temerité eſt encore plus grande de le condanner aux peines éternelles de l’Enfer, vû la bonne opinion

  1. Vix mihi tempero quin Sancte Socrates ora pro nobis. In conv. Rel.
qu'on