Page:La Mothe Le Vayer - Œuvres, Tome 5, Partie 1, 1757.pdf/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
DE LA VERTU DES PAYENS.


res devans être toûjours interpretés au ſens, que l’Egliſe leur donne & ſelon la doctrine des Conciles. Car de vouloir, comme quelques-uns ont fait, que les Païens ne reçûſſent que des recompenſes temporelles de toutes leurs bonnes œuvres, & que leur vertu fût aſſez reconnue par l’eſtime qu’on faiſoit d’eux, & par la gloire qui accompagnoit leur vie ; c’eſt à mon avis les traiter avec trop de rigueur, de leur donner un partage où les plus méchans ont aſſez ſouvent l’avantage ſur eux. N’a ton pas vu de tout tems le vice triompher dans une opulence pleine d’éclat & la vertu languir de néceſſité parmi le mépris ? La bonne fortune ne s’eſt-elle pas toujours déclaré auſſi ennemie des hommes vertueux, qu’elle a ſouvent favoriſé les plus abandonnés au mal ? Il ne ſemble pas d’ailleurs raiſonnable de reſtraindre, toute la félicité de ceux-là, quand ils en jouïroient en ce monde, au moment qu’ils ont à y être, ni de les priver en ce faiſant de leur fin principale, qui eſt la béatitude éternelle.

Ainſi l’on conclut en faveur des Gentils, qui ont moralement bien vécu, qu’ils ont pû ſe ſauver avec l’aſſiſtance Divine, dans la Loi de Nature depuis le tems même d’Abraham, auſſi bien que les Hébreux dans celle que


Dieu