Page:La Motte-Fouqué - Ondine, Hachette, 1913.djvu/100

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— Qui sait ce que demain décidera, ce que tu décideras toi-même tout à l’heure, murmura Ondine avec tristesse. Allons, il faut que je te dise de graves choses… Porte-moi là-bas, sur cette petite île. Je pourrais aisément traverser ces ondes tranquilles, mais je préfère que tu me portes, afin de reposer une fois encore, la dernière peut-être, dans tes bras, sur ton cœur. Allons !…

Huldbrand, ému et troublé par ces paroles inattendues, ne répondit rien et se borna à faire exactement ce qu’Ondine lui demandait. Arrivé sur l’îlot il déposa doucement sur l’herbe son cher fardeau.

— Maintenant, assieds-toi en face de moi, dit Ondine, que je puisse lire dans tes yeux avant même que tes lèvres ne me répondent. Écoute avec une grande attention ce que je vais te dire.

« Apprends, ami, qu’il existe dans le monde invisible qui enveloppe le monde où tu évolues, des êtres vivants dont l’existence se manifeste rarement aux hommes. Dans ces flammes se jouent les énigmatiques Salamandres ; des Gnomes malicieux peuplent les profondeurs de la terre ; les Sylvains habitent les forêts ; les Sylphes traversent sans cesse les airs ; et dans les mers, les lacs, les torrents, les ruisseaux, vit le peuple innombrable des Ondins. Ceux-ci occupent de vastes palais de cristal d’où ils voient le ciel, le soleil et les lumières de la nuit ; dans leurs jardins s’élèvent des arbres de corail chargés de fruits d’or ; un sable pur tout parsemé de beaux coquillages s’étend sous