Page:La Motte-Fouqué - Ondine, Hachette, 1913.djvu/172

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de politesse, le Père voulut entraîner Huldbrand dans le château pour lui parler en secret. Le chevalier, surpris, hésitait à le suivre et lui demanda pourquoi il agissait ainsi.

— Après tout, répondit le moine, je puis aussi bien parler devant Bertalda et le pêcheur, car ce que j’ai à vous dire les intéresse autant que vous ; autant savoir tout de suite ce que l’on doit apprendre plus tard. Sachez donc, chevalier Huldbrand, que je dois vous poser une question. Êtes-vous certain de la mort de votre première femme ? Pour moi, cela ne me paraît pas absolument sûr. Je ne veux pas faire d’allusion à son origine, sur laquelle, d’ailleurs, je ne sais rien de positif. Ce que je sais, par contre, c’est qu’elle fut une femme aimante et fidèle. Or voici ce que je dois vous révéler : depuis quelque temps, elle m’apparaît, chaque nuit ; elle se place devant mon lit et me dit, en se tordant les mains avec désespoir : « Empêchez ce mariage, mon père, car je ne suis pas morte. Sauvez son corps et son âme ! » Puis elle se retire en pleurant et soupirant. Ces paroles me semblaient vides de sens, je ne les compris qu’en écoutant votre messager. Je suis accouru, non pour vous unir, mais pour vous séparer. Huldbrand, renonce à cette jeune fille ! Bertalda, renonce au chevalier ! cet homme appartient à une autre femme. Vois, sur son visage, ces plis douloureux : ils te prouvent que son ancien amour n’est pas mort ! Si tu ne renonces pas à lui, sois assurée que jamais il ne te donnera le bonheur.