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Page:La Nézière - L'Extrême-Orient en images Sibérie, Chine, Corée, Japon, 1902.djvu/69

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leur intervention et à la décision dont elles on fait preuve, elles ont sauvé les légations assiégées dans Pékin. Leur service d’espionnage n’a pas été non plus étranger à ce résultat : on peut affirmer que partout où il y a un barbier ou un photographe, il y a un espion japonais.

L’Empire du Soleil Levant réalisera-t-il son rêve ambitieux : l’Extrême-Orient aux Asiatiques sous la suprématie japonaise ? Les événements de demain nous le diront. Tout concourait, il faut bien s’en rendre compte, à pousser les deux nations l’une contre l’autre guerre de race, guerre d’intérêt aussi. À la Russie, il fallait un débouché vers le Pacifique. Le Japon, de son côté, avait besoin de la Corée pour y déverser le trop-plein de sa population, pour y écouler sa production commerciale. C’est à la Corée que le Japon doit sa religion et ses beaux-arts. Seulement l’élève a marché, tandis que le maître restait stationnaire ; conscient de sa supériorité, il veut devenir le maître à son tour.

La conflagration a résulté du choc de ces deux nécessités contraires et de ces deux ambitions rivales. Quelle que soit l’issue du combat, ce sera la pauvre Corée qui en paiera les pots cassés.

Dans la folie de leur orgueil les Japonais n’admettent pas l’hypothèse d’une défaite. Un des leurs, M. Hotomi, écrivait ces lignes quelque peu pompeuses : « La longue durée de l’Empire du Soleil Levant est une des choses les plus merveilleuses de ce monde. Quand il vit la lumière, tous les peuples européens dormaient encore dans les entrailles du chaos. C’est 333 ans avant la conquête des Indes par Alexandre et 612 ans avant la victoire de César sur Pompée que Jinmiu Ier, Empereur du Japon, plaça le berceau de l’Empire parmi les fleurs odoriférantes des plaines du Yamoto… Les Japonais n’ont jamais connu la défaite… Si les victoires et les conquêtes sont vraiment la gloire d’un pays, comme on le dit, l’histoire du Japon est vraiment pleine de gloire. »

Ce dithyrambe est à peu près exact en ce qui touche le passé. L’avenir lui donnera peut-être un démenti cruel. Il est à prévoir que l’élan du peuple neuf se brisera contre les masses profondes venues de la Russie. Alors, malheur au vaincu ! Les impôts s’abattront sur lui, écrasants ; il connaîtra les révolutions qui suivent les défaites ; le socialisme qui déjà le travaille lèvera hardiment la tête. Et le petit magot d’ivoire, aux yeux bridés, regrettera sans doute d’être descendu de son étagère, où l’auréolait tout un passé de gloire artistique, et d’avoir voulu devenir semblable aux singes d’Occident.

J de la Nézière

Le Bouddha géant de Kamakura.