Page:La Nature, 1874, S1.djvu/120

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qui, du temps de Leguat, chassaient déjà les Géants avec des chiens, ont dû les anéantir quelques années après le départ du voyageur français. Moins d’un siècle auparavant, deux autres oiseaux des mêmes régions, le Dodo et la Fulica Newtoni, dont il a été question très-fréquemment depuis peu, s’étaient éteints de la même manière, et avaient été probablement comme lui, victimes de l’homme et des mammifères carnassiers. D’autres contrées ont perdu également des types remarquables de leur faune ; Madagascar n’a plus d’Epiornis ; les Dinornis de la Nouvelle-Zélande et le Solitaire de l’île Rodriguez ne sont plus connus que par leurs ossements ; de nos jours même, le grand Pingouin, malgré la rapidité avec laquelle il nage, et malgré le goût désagréable de sa chair, aura bientôt passé à l’état de mythe, le Casoar et l’Autruche auraient depuis longtemps disparu s’ils ne vivaient dans des plaines d’un accès difficile ; et, sans aller aussi loin, sans sortir de notre pays, nous voyons les grandes Outardes qui se trouvaient autrefois par millier » aux environs de Châlons-sur-Marne n’être plus représentées que par quelques couples nichant près de Suippes, de Jonchery et du camp d’Attila ! Ainsi s’éteignent successivement les espèces aux formes bizarres, aux proportions gigantesques qui semblaient dater d’un autre âge, et qui, à ce titre, auraient mérité d’être conservées lors même qu’elle n’auraient pu rendre de services directs et matériels. Aussi est-il plus que temps que les gouvernements mettent fin à cette destruction aveugle et, par des règlements sévères, sauvegardent l’existence, non-seulement des espèces utiles, mais de celles qui présentent un intérêt réel au point de vue scientifique.E. O.


LA GRANDE PYRAMIDE D’ÉGYPTE

Il y a 2 300 ans que Hérodote décrivit pour la première fois les Pyramides d’Égypte. Depuis vingt-trois siècles, on les a examinées, mesurées, fouillées dans tous les sens, et l’on ne sait guère mieux qu’au début quel était l’usage ou la destination de ces prodigieux monuments. Lorsque le père des historiens grecs visita l’Égypte, le peuple avait perdu le souvenir des traditions religieuses ou politiques auxquelles se rattachaient ces constructions. Bien plus, il paraît probable que toutes les petites pyramides, groupées autour de la plus grande ou dispersées en d’autres parties de la vallée du Nil, ne sont qu’une copie imparfaite de celle-ci. Elles ne sont ni construites avec tant d’art, ni percées d’autant d’ouvertures et de conduits souterrains, comme si elles avaient été l’œuvre d’une époque relativement récente et d’architectes ignorants des vieilles doctrines. La grande Pyramide de Djizeh est donc la seule que l’on étudie en détail et celle que l’on cherche à interpréter avec le plus de soin.

Les savants modernes ont remanié, comme on sait, toute la chronologie des anciennes dynasties égyptiennes. Ils prétendent que la grande pyramide remonte, pour le moins, à 4 500 ans avant Jésus-Christ. Quelle que soit l’antiquité de cette montagne factice, il est certain qu’elle a traversé les siècles sans presque subir d’altération. La masse en est si énorme, les pierres dont elle se compose sont si volumineuses, que les intempéries atmosphériques et la main des hommes en ont à peine excorié la surface. Tout au plus constate-t-on, en y regardant de très-près, que certains mouvements du sol ont dérangé quelques aplombs et fendillé le roc sur lequel elle repose.

Veut-on se faire une idée de la masse imposante de ce monument ? Il a 140 mètres de haut, et chaque côté mesure à la base 239 mètres de long. Volnev, l’un des premiers voyageurs français qui en ait parlé de visu, le compare à l’hôtel des Invalides vu du Cours-la-Reine, avec cette différence que, la longueur étant la même, la hauteur dépasse le dôme des deux tiers, et que le massif est plein, régulier sur chacune de ses quatre faces, n’offrant à l’extérieur qu’un immense talus disposé par gradins.

On a mis en avant toute sorte d’hypothèses pour expliquer la grande Pyramide. Les uns voulaient que ce fût un tombeau, et faisaient valoir que les Égyptiens ont toujours enterré leurs morts avec une magnificence extrême ; mais, si somptueux qu’aient été leurs mausolées, celui-ci dépasserait vraiment toute mesure ; d’ailleurs il y a des détails de construction, des rapports de grandeur bien étudiés en diverses parties, qui prouvent que l’architecte a eu en vue de faire autre chose qu’une sépulture.

D’autres ont prétendu que c’était un observatoire pour étudier les astres ; mais on leur a répondu que sur le ciel clair et sur le terrain presque plat de l’Égypte, il était bien inutile d’élever un observatoire d’une si grosse masse et d’une si grande hauteur. Sans doute les Égyptiens, qui furent quelque peu astronomes, comme tous les peuples pasteurs, ont combiné les lignes magistrales de la pyramide de Djizeh suivant certaines données astronomiques ; cela ne suffit pas à expliquer le monument tout entier.

Est-ce un temple consacré, selon des rites oubliés, à des dieux inconnus ? Serait-ce peut-être le moyen de perpétuer les mesures de longueur dont ou se servait alors, et de traduire sous une forme immuable les problèmes scientifiques que les savants de cette antiquité primitive avaient résolus ? Un savant de nos jours s’est attaché avec obstination à cette dernière hypothèse. M. Piazzi Smith, astronome royal d’Édimbourg, a mesuré la grande Pyramide en tous sens avec les instruments de précision dont il a l’habitude de faire usage dans son observatoire. La figure 1, qui donne une coupe verticale du monument, est le résultat de son travail. Quelques explications, outre la légende, feront comprendre d’abord quelle est la forme réelle de l’édifice et ce que l’on a trouvé dans l’intérieur jusqu’à ce jour.

La base de la pyramide est un carré parfait, de 239 mètres de côté au raz du sol. Les faces sont également