Page:La Nature, 1877, S2.djvu/263

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cée aux feuilles digitées, une Dombeyée, etc. Par contre, à ces végétaux se joignent des ormes, des érables, des frênes, mélange inévitable à l’époque que je considère.

En continuant à descendre vers le sud, on rencontre, non loin de Dijon, les calcaires concrétionnés de Brognon, dont les blocs sont pétris de débris végétaux ; leur étude offre d’autant plus d’intérêt qu’il s’agit, non pas d’une formation marécageuse comme celle des lignites, mais d’une collection de plantes ayant servi d’entourage à des eaux limpides et jaillissantes. Un palmier à très-larges frondes, le Flabellaria latiloba, signalé également dans la mollasse rouge inférieure des environs de Lausanne, est ici l’espèce dominante ; une belle fougère, Lastræa (un Cyathea ?) Lucani. Sap., qui était peut-être arborescente, accompagne le palmier ; elle croissait au bord des eaux, non loin d’un groupe de chênes à feuilles saliciformes (Quercus provectifolia, Sap., Q. divionensis, Sap.), près d’un figuier, d’un jujubier, d’un laurier, et ces divers arbres se mariaient à un gainier (Cercis Tournoueri, Sap.) (fig. 5), dont les feuilles ont été moulées en grand nombre par la substance calcaire incrustante que les eaux aquitaniennes, probablement thermales, tenaient en dissolution.

Nous avons ainsi un tableau abrégé et partiel, saisi au coin d’un bois, une échappée du paysage auquel ne manque aucun trait essentiel et qu’anime le fracas des eaux se précipitant en flots écumeux.

Le paysage devient tout autre, si l’on veut suivre le professeur Hcer aux environs de Lausanne, et lui demander l’esquisse de la contrée aquitanienne qui occupait la place du canton de Vaud. Rien de plus frais, de plus calme, de plus opulent et de plus varié à la fois ne saurait se concevoir. Je ne puis mieux faire que de répéter les détails et d’emprunter jusqu’aux expressions dues à la plume du savant professeur de Zurich[1]. — Un lac s’étendait alors dos environs de Vevey à ceux de Lausanne. Sur ses bords on voyait se profiler les frondes en éventail des Sabals et des Flabellaria, et les longues palmes du Phœnicites. Plus loin, les lauriers, les figuiers, les houx, certains chênes mêlaient leur feuillage ferme, lustré ou d’un vert sombre et mat, aux branches opulentes, déployées en masses profondes, des camphriers et des canneliers. Les acacias aux rameaux tordus et aux fines folioles se détachent gracieusement sur le miroir des eaux ; des fougères grimpantes à la tige flexible et déliée, des salsepareilles entrelacées aux rameaux des arbres dont elles étreignent le tronc : plus loin, des érables plantureux complètent le rideau que forme autour du lac une lisière continue de végétaux. À la surface de l’eau s’épanouissent les feuilles du Nymphœa Charpentieri, Hr., associé au Nelumbium Buchii, Les laiches à grandes feuilles, les souchets, de grands roseaux s’élèvent du sein des eaux, tandis que dans le fond paraissent d’autres palmiers de formes diverses et même une broméliacée épiphyte, plante à physionomie exotique, dont la présence n’exclut pas celle d’un grand noyer, d’un aune et d’un nerprun, peu différents de ceux que nous avons sous les yeux. — M. Heer estime qu’il faudrait maintenant rétrograder de 15 degrés plus au sud pour avoir la possibilité d’obtenir un ensemble pareil à celui dont les vestiges ont été recueillis aux environs de Lausanne.

Manosque n’offre rien de plus méridional dans l’aspect. Les débris de végétaux que cette localité nous a conservés, consistent principalement en feuilles et en fruits légers ou en semences ailées, qui paraissent avoir été entraînes au fond des eaux où se formait le dépôt, surtout par l’impulsion du vent combinée avec l’action d’un faible courant à son embouchure. Le lac était considérable ; il mesurait au moins 60 kilomètres, de Peyruis aux alentours de Grambois, non loin de Pertuis ; il semble que l’endroit qui a fourni la majeure partie des empreintes, et qui se nomme le quartier du Bois-d’Asson, point situé entre Dauphin et Volx, ait été jadis à proximité d’un puissant escarpement montagneux, dont le rocher secondaire de Volx serait un dernier débris. Une végétation fraîche et d’un caractère relativement moins méridional aurait recouvert les flancs tournés au nord de ce grand massif (fig. 1). La flore de Manosque, comme celle des gypses d’Aix, renferme deux catégories juxtaposées de végétaux ; mais ici les deux catégories, bien que toujours inégales, se balancent mieux. D’un côté, sont de rares débris de Palmiers, des Séquoia, des Glyptostrobus, des Myricées à feuilles allongées, coriaces et dentées, des Diospyros, des Leucothoe, une foule de Laurinées, des ailantes, des Légumineuses variées et d’affinité subtropicale ; de l’autre, paraissent des aunes et des bouleaux, des hêtres et des charmes, des peupliers et des saules, des frênes et des érables, quelques pins ; moins abondants comme nombre et comme fréquence, que les arbres de la première catégorie, et dont les dépouilles entraînées des pentes et des escarpements boisés de la montagne sont venues, bien qu’avec moins de facilité, se confondre au sein de l’eau avec les espèces qui entouraient immédiatement l’ancienne plage lacustre. Ce n’est là qu’une conjecture ; mais elle ne manque ni de vraisemblance ni d’un commencement de preuves.

Les eaux tranquilles du lac de Manosque étaient fréquentées par une belle Nymphéacée (Nymphœa calophylla, Sap.), par une foule de Cypéracées, par des massettes ; à l’ombre des grands arbres, croissaient des fougères variées dont j’ai précédemment signalé les principales : Osmunda lignitum, Ung., Lastrœa styriaca, Ung., Pleris pennœformis, Hr., Pteris urophylla, Ung., Lygodium Gaudini, Hr., Chrysodium aquitanicum, Sap. (nov. sp.).

Avant de passer en Grèce et d’aborder la localité de Coumi, que j’ai déjà signalée à plusieurs reprises, si nous nous dirigeons vers l’est et que nous

  1. Voy. le Monde primitif de la Suisse. Trad. de l’allemand par Isaac Demole, p. 546. — Genève et Bâle, lib. Georg., 1872.