Page:La Nature, 1877, S2.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à une mer intermédiaire entre celle de l’éocène et celle du tongrien proprement dit.

L’oligocène, tel que je le conçois, en me plaçant uniquement au point de vue de la flore, ne consiste que dans l’âge postérieur au retrait dont je viens de parler, qui vit, d’une part, les lagunes du Flysch achever de disparaître, et de l’autre une mer nouvelle, celle du tongrien, s’avancer et envahir certains points déterminés de notre continent. C’est donc du retour momentané d’une mer distincte de celles que nous avons mentionnées, distincte aussi de celle de la mollasse ou mer falunienne, qu’il s’agit. — La mer tongrienne est loin d’égaler la mer nummulitique, ni celle de la mollasse ; elle échancre le continent européen, mais dans une tout autre direction : occidentale et septentrionale, elle occupe de nouveau le bassin de Paris, où ses dépôts sableux ont donné lieu aux grès de Fontainebleau ; elle contourne la Normandie, touche à Cherbourg et entame à peine l’Angleterre par l’île de Wight. Au nord, elle couvre la Belgique, d’Ypres et de Gand à Liège et à Maestricht ; elle court en Westphalie, et après avoir contourné le massif du Harz, elle pénètre par le golfe de Cassel dans la vallée du Rhin supérieur, et de là, à travers toute l’Alsace, jusqu’au Jura suisse ; elle forme ainsi une Adriatique étroite et sinueuse, à laquelle les Vosges, d’un côté, le massif de la Foret-Noire, de l’autre, servaient de limites. En Bretagne vers Rennes, en Aquitaine vers la Gironde et l’Adour, le long de la Méditerranée, vers les Basses-Alpes et dans la Ligurie ; plus loin au pied des Alpes, près de Vérone, dans le Tyrol et ailleurs, on trouve des vestiges de la mer oligocène, qui n’est puissante nulle part, et dont les traces discontinues annoncent presque partout l’étendue relativement faible et la courte durée.

Les lacs se rencontrent au contraire sur une foule de points. En Auvergne, en Provence, dans le Gard, près d’Alais, à Hæring en Tyrol, à Sotzka en Styrie, à Sagor en Carinthie, dans l’Italie du Nord et jusqu’en Dalmatie, à Monte Promina, on trouve des formations lacustres, riches en empreintes végétales et fournissant les éléments d’une flore remarquable, autant par la profusion des espèces que par l’unité des éléments dont elle est composée. La plupart de ces lacs ne furent pas exclusivement propres à la période à laquelle je les rattache ; ils existaient avant et continuèrent après qu’elle se fut terminée ; mais la partie des sédiments déposés au fond de ces lacs, qui correspond à l’oligocène, présente des caractères qui attirent sur eux l’attention, même en dehors des plantes qu’ils renferment. Les animaux qui vécurent dans leurs eaux, de même que les phénomènes géognostiques dont ces eaux furent le théâtre, témoignent d’une très-grande intensité de vie, d’une remarquable uniformité dans les conditions qui présidèrent à son développement et, en même temps, du trouble intermittent que les agents intérieurs et les matières en fusion, rejetées à la surface, durent apporter sur certains points déterminés et surtout dans le voisinage des principaux lacs. Les volcans actuels, à cratères permanents couronnant un cône d’éruption, n’avaient pas encore paru dans les contrées où ils s’établirent plus tard, et l’Auvergne elle-même ne présentait encore aucun relief de quelque importance ; mais les préludes des grandes actions plutoniques agitaient partout le sol de vagues frémissements ; les eaux thermales, sulfureuses, calcarifères, siliceuses, ferrugineuses, surgissaient de toutes parts avec une extrême abondance ; elles alimentaient les cuvettes lacustres de substances minérales de toute sorte tenues en dissolution ; et ces dernières ont donné lieu aux gâteaux et aux rognons de silex, aux calcaires concrétionnés, aux amas de gypse, aux sidérites et aux phosphates qui se trouvent associés en diverse proportion aux sédiments ordinaires ou, encore, sont entremêlés à des couches de lignites. Cte  G. de Saporta
Correspondant de l’Institut.

La suite prochainement. —