Page:La Nature, 1873.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
LA NATURE.

aussi blanc que la craie, et quand le soleil y darde ses rayons, l’œil peut à peine en supporter l’éclat. Quand on longe le rivage au pied de la falaise, on traverse un curieux amoncellement de rochers éboulés, de pierres roulées qui s’étendent à une grande distance vers la pleine mer, sur un lit du sable menu. Le point d’où l’on part, au pied de la falaise, pour entreprendre l’excursion est le village de Sangatte : à l’extrémité opposée, on admire des petites cascades d’une eau douce et fraîche, qui s’écoule sans cesse des fissures des rochers, et ruisselle dans la mer pendant les hautes marées.

Le Cap Gris-Nez est beaucoup plus rapproché de Boulogne que de Calais, il s’avance plus loin dans la mer, et ferme la pointe extrême du nord de la France vers l’Angleterre. Quoiqu’il ne soit situé qu’à une faible distance du Blanc-Nez, son aspect est tout à fait caractéristique. Ses falaises ne s’élèvent pas à une hauteur considérable, elles sont formées d’un sol friable, où se trouvent, étagés en lignes horizontales, d’immenses rochers calcaires de forme ronde. Ces rochers sont aussi noirs que ceux du Blanc-Nez sont blancs ; un grand nombre d’entre eux sont éboulés et produisent, au bord de la mer, un étrange chaos de pierres gigantesques, dont, quelques-unes atteignent des dimensions prodigieuses (Voir la gravure ci-contre).

Les falaises du cap Blanc-Nez.

Il est certain que ces pierres tombées de la falaise, forment un véritable rempart contre les vagues ; on dirait que la nature a pris soin de protéger le gisement terrestre, afin que l’envahissement des flots ne soit pas trop rapide.

Dans un grand nombre de localités, les débris tombés des falaises sont immédiatement déblayés par la mer, et la destruction est alors considérable. C’est ainsi que de l’autre côté du pas de Calais, les falaises de l’Angleterre sont démolies par l’Océan avec une énergie de beaucoup supérieure. D’après Beet Jukes, les fermiers doivent environ compter sur une perte de 1 mètre par an, le long de la falaise britannique. Sur d’autres points de l’Angleterre, de semblables faits sont fréquents. À l’est de la péninsule de Kent, les flots de l’Océan ont envahi 6 kilomètres de terre ferme depuis l’époque romaine. Les vastes domaines du comte Goodwin ont été entièrement submergés ; à la place d’une propriété riche et luxuriante, on aperçoit aujourd’hui des rochers, des récifs, où les navires viennent parfois se briser pendant la tempête.

Les côtes françaises, où s’élèvent le Blanc-Nez et le Gris-Nez, sont beaucoup moins endommagées, comme nous venons de le voir. Ce dernier cap est protégé par un rempart formidable de rochers si solides et si massifs, que la force des flots ne peut évidemment les entamer que lentement et d’une façon peu sensible. Comme l’a dit un poëte, on pourrait