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LA NATURE.

peu après midi. Elle a été suivie, comme il arrive ordinairement, d’une pluie torrentielle ; mais il n’en a point été de même de l’orage qui a éclaté vers six heures. À peine si quelques gouttes d’eau sont tombées, ce qui explique parfaitement, comme nous l’avons déjà fait remarquer, la violence des coups de foudre.

Arbre du jardin du Luxembourg, foudroyé le 26 juillet 1873.

L’arbre foudroyé que nous avons représenté est un acacia qui se trouve dans le jardin du Luxembourg, au milieu d’une petite prairie, près de la rue Vavin. Il est très-probable que la victime ne périra point malgré les nombreuses cicatrices qu’elle porte, car il en est des arbres comme des hommes et des animaux ; les blessures faites par la foudre sont celles dont on se guérit le plus facilement. Il y a de la ressource toutes les fois que l’être n’est pas tué sur le coup. Les branches ont à peine été touchées, ce qui n’a rien d’étonnant, car elles étaient encore couvertes d’humidité et par conséquent très-conductrices. Les portions de l’écorce qui ont été déchirées sont surtout celles qui se trouvaient desséchées, et qui n’avaient point été exposées à l’averse violente du matin, c’est principalement dans les parties les moins conductrices dans les lacunes ou dans les quasi-lacunes que l’effet destructeur du fluide s’est fait plus vivement sentir.

C’est pour bien faire comprendre cet effet que nous avons donné le dessin ci-dessus, qui, sans cette circonstance, n’offrirait nul intérêt. Il ne serait peut-être pas impossible de retrouver, dans ce coup de foudre, l’influence d’objets de fer situés dans le voisinage. En effet l’acacia du Luxembourg se trouvait à faible distance des grilles qui ferment le jardin et des échalas en fer qui soutiennent les espaliers de l’école pratique d’arboriculture, mais les orages de cette période nous offrent des exemples bien plus saillants. Un bourgeois d’Aix-les-Bains qui se promenait avec sa femme, n’a point été touché par la foudre, qui a tué cette malheureuse à ses côtés. On a constaté, comme d’ordinaire, que les boucles d’oreilles et autres bijoux, avaient été le point de départ de décharges intenses, et que la victime portait sous sa robe des cerceaux d’acier. Cet événement tragique a eu lieu le 27 juillet.

Les journaux d’Alsace rapportent qu’un violent orage a éclaté au-dessus de Metzingheim, petite commune de ce pays où existe une filature qui a été fulgurée. La foudre a frappé 26 fois consécutives les bâtiments qui ont été incendiés. Comment expliquer ce fait, fort rare du reste dans les annales de la météorologie, si ce n’est par un concours de circonstances exceptionnelles permettant à la foudre d’exercer ses affinités avec toute leur terrible énergie. Il est plus que probable que cette usine renfermait de grandes masses de fer qui auront déterminé la forme de la trajectoire du fluide.

Toutefois il est bon de noter qu’il ne suffit jamais d’une circonstance unique quelque énergique qu’elle puisse être pour entraîner une fulguration. La chute de la foudre est toujours le résultat de l’accumulation fortuite d’une série de causes dont l’analyse est toujours délicate et difficile, quelquefois indéchiffrable. Une étude systématique de tous les coups de foudre serait indispensable, mais elle est au-dessus des forces d’un physicien isolé. Les bureaux météorologiques pourraient seuls l’entreprendre avec quelque succès.

M. Leverrier vient d’adresser aux chambres de commerce, une circulaire pour leur demander si elles verraient avantage à recevoir, vingt-quatre ou quarante-huit heures à l’avance, l’annonce du temps probable.

Il est facile de prévoir ce que sera la réponse à la question posée par le savant académicien. Mais nous croyons que les sociétés d’agriculture ne seraient pas moins empressées à répondre favorablement, si on demandait leur avis sur l’opportunité d’étudier les coups de foudre et les phénomènes qui s’y rattachent plus ou moins directement.

W. de Fonvielle.



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