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LA NATURE.

du Gabon pour empoisonner leurs flèches. Il résulte des nouvelles recherches de ces savants que l’inée (Strophantus hispidus) est un des poisons les plus énergiques.

« MM. Polaillon et Corville, lit-on dans les Archives des sciences physiques et naturelles de Genève, démontrent que l’extrait d’inée empoisonne les grenouilles par arrêt du cœur d’une façon tout à fait analogue à la digitaline ou à l’upas anthiar ; le cœur, après avoir subi des intermittences et une incoordination de ses battements, s’arrête ; les oreillettes sont gonflées par le sang, qui les distend en diastole, tandis que le ventricule est ordinairement contracté en systole ; cet effet se montre aussi chez les animaux curarisés. L’extrait que les auteurs employèrent produisit, à la dose de 4 milligrammes, placés sous la peau d’une grenouille, un arrêt complet du cœur en deux heures, tandis que la même dose d’anthiarine le produisit en 1 heure 26 m., et la digitaline en 1 heure 27 m. Ce poison produisit un effet semblable chez les animaux à sang chaud, comme le montrent des expériences faites sur des oiseaux, des lapins, des chats, des chiens et des souris. »

D’après ces recherches, il résulterait que l’inée est un poison des muscles, et que son action sur les autres organes serait nulle ou secondaire.

Les aérostats militaires en Prusse. — Les Allemands n’ont pas manqué d’étudier avec soin, d’examiner scrupuleusement, le service des ballons-poste pendant le siège de Paris. Ils ont publié, depuis un an, un nombre considérable de brochures, de livres, d’articles sur cette intéressante question, et connaissent généralement mieux que nos compatriotes eux-mêmes l’histoire récente de notre aérostation. Leurs journaux militaires ont attentivement passé en revue les expériences entreprises par nos aérostiers ; il y a déjà quelques mois, une des feuilles spéciales les plus estimées de l’Allemagne, le Jahrbücher für die deutsche Armee und Marine, publiait à ce sujet un travail très-étendu et très-complet. L’auteur y parle des services que nos aéronautes ont rendus, des efforts qu’ils ont tentés dans le but d’observer l’ennemi en ballon captif, pendant les campagnes de l’armée de la Loire, Ce long chapitre contient certaines révélations que nous reproduisons textuellement.

« La science allemande, dit le journal de Berlin, n’est pas non plus restée oisive devant les questions aériennes. Depuis longtemps déjà, une commission d’hommes de science, nommée par l’État, s’occupe, sous la présidence de M. Helmholtz, physicien bien connu, de recherches théoriques sur la résistance de l’air et les moyens de la vaincre par des moteurs suffisamment puissants. Bientôt peut-être seront-elles suivies d’une série d’expériences pratiques, entreprises de concert avec l’état-major et l’administration supérieure des postes. Leur but essentiel sera de résoudre la question de l’usage des aérostats pour le service de sûreté des armées. »

Un tel fait ne devrait-il pas nous décider à rompre avec notre coupable inertie ? faudra-t-il que nous soyons condamnés à assister de loin aux expériences d’aérostation de l’état-major prussien, avant que notre administration militaire ait à peine songé à en organiser de semblables. Nous n’ignorons pas que le ministre de la guerre se préoccupe sérieusement de la question des ballons, mais ne serait-il pas temps de transformer enfin le projet en fait accompli ?

Nouveau procédé de fabrication du sulfate d’ammoniaque. — Parmi les substances les plus propres à fertiliser le sol comme engrais, on doit citer le sulfate d’ammoniaque, dont l’effet sur les cultures est tellement efficace, qu’on a vu les récoltes doubler, quand on avait répandu 100 kilogrammes de ce sel sur un hectare, Le sulfate d’ammoniaque compte déjà beaucoup de sources de production : M. L’Hôte, chimiste distingué du Conservatoire des arts et métiers, vient d’en trouver une nouvelle. On conçoit qu’il est important d’augmenter le rendement d’une fabrication aussi précieuse,

M. L’Hôte utilise les déchets azotés d’un certain nombre de nos industries, tels que déchets de laine, de peau, de cuir, de corne, de plume, d’éponge, etc. ; il les traite par la soude caustique, qui est employée aujourd’hui industriellement depuis les travaux de M. Gossage ; par cette réaction, il transforme l’azote contenu dans ces substances, en ammoniaque, comme cela a lieu dans les dosages organiques opérés par la chaux sodée. Le gaz ammoniac obtenu est absorbé par de l’acide sulfurique ; le sulfate d’ammoniaque formé est purifié par voie de cristallisation.

Pierres musicales. — M. Richard Nelson, écrit au journal anglais Nature une lettre intéressante, où il parle de certaines pierres musicales, qui se rencontrent assez fréquemment aux environs de Kendal, ville voisine de Lancastre, dans le Westmoreland. « En me promenant aux environs de Kendal, dit cet observateur, à travers les monts et les rochers, il m’est souvent arrivé de ramasser certains cailloux que l’on appelle ici « les pierres musicales, » Elles sont généralement plates, usées par le temps, et offrent des formes particulières ; quand on les frappe d’un morceau de fer ou d’une autre pierre, elles rendent un son musical, bien différent du bruit sourd que produirait un caillou ordinaire. Les sons obtenus sont généralement assez analogues, mais je connais des personnes qui possèdent huit de ces pierres, qui frappées successivement, produisent une octave très-nette, très-distincte. Je ne suis qu’un amateur de géologie, ajoute M. Nelson, et je me sens incapable d’expliquer ce fait ; je serai heureux qu’un de vos nombreux lecteurs, prenne la peine de donner des renseignements sur la composition des pierres en question, et sur les propriétés qu’elles doivent offrir pour produire un son musical. »

Ce fait est, en effet, très-curieux, et n’est pas encore expliqué d’une façon suffisante. Nous nous rappelons avoir vu à Paris, dans une fête publique, un physicien en plein vent, qui jouait des airs de musique, en frappant d’une tige de fer, de gros cailloux de silex, pendus à des fils de soie. Les sons obtenus étaient limpides et purs : les pierres siliceuses avaient des formes très-irrégulières.


BIBLIOGRAPHIE


Traité des dérivés de la houille applicables à la production des matières colorantes, par MM. Ch. Girard et G. de Laire. — 1 vol. in-8o. Paris, G. Masson, éditeur, 1873. — Nous signalons ce remarquable ouvrage de deux chimistes éminents qui ont spécialement étudié les merveilleux résultats obtenus par la science sur les dérives du goudron de houille. L’œuvre de MM. Girard et G. de Laire est un traité complet de toute une nouvelle branche de la science et de l’industrie.



Le Propriétaire-Gérant : Gaston TISSANDIER.

paris. — imp. simon raçon et comp., rue d’erfurth, 1.