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LA NATURE.

des deux réservoirs supérieurs est déjà couvert ; le second angle est à la hauteur de la galerie terminale qui fera intérieurement le tour de la construction. Tout l’ouvrage est en meulière et ciment. Les murs extérieurs, renforcés par des culées obliques, ont une épaisseur de 3 mètres. Le sol est uni, sauf aux approches du mur, où se trouvent une série de cuvettes peu profondes, séparées par des cloisons de façon à former une suite de cryptes qui supportent la galerie intérieure. En face de chacune des loges ainsi fermées s’alignent des pilastres carrés, amincis vers le haut, en supportant les voûtes d’arêtes qui doivent terminer l’édifice. Cette forêt de pilastres produit un effet merveilleux. Aucun temple n’en peut présenter un analogue, et une promenade aux torches dans cet immense bassin, lorsqu’il sera plein d’eau, serait certainement une des curiosités les plus étranges qu’on pût rêver.

La Vanne apportera par jour à ce réservoir 100 000 mètres cubes d’une eau excellente. Ce ne sera pas un luxe inutile pour Paris, qui jusqu’à présent n’a par tête et par jour qu’une moyenne de 108 litres d’eau, tandis que Londres en a 132, Madrid 600, et Rome, la ville la plus favorisée sous ce rapport, 1 492. L’appoint fourni par la Vanne portera notre moyenne à 156 litres en permettant de réserver pour les seuls services d’arrosage et de voirie la plus grande partie des eaux de l’Ourcq et de la Seine, qui ne sont pas des meilleures pour l’alimentation.


ACADÉMIE DES SCIENCES

Séance du 1er septembre 1873. — Présidence de M. Bertrand.

L’aurore boréale du 5 février. — Nos lecteurs se rappellent la magnifique aurore qui a été visible en février. Un astronome italien des plus célèbres, M. Donati, a voulu voir si le phénomène s’est présenté simultanément dans tous les points où on l’a vu, ou si son apparition s’est trouvée liée d’une manière quelconque avec l’heure locale.

Le résultat est intermédiaire entre ces deux suppositions. Par exemple, à Pékin, toute la manifestation avait pris fin à 2 heures du matin, et le maximum s’était montré à 9 heures du soir ; tandis qu’à Paris, le maximum avait lieu à 6 heures du soir et que tout était terminé à minuit.

À première vue, il semble que Paris ait été en avance sur Pékin ; mais c’est le contraire, vu la position occidentale de la France par rapport à la Chine. Mais le calcul montre qu’au point de vue de l’heure locale il y a eu avance de Paris sur Pékin, et M. Donati a constaté que cette avance a été de plus en plus marquée, à mesure que le point considéré était situé plus vers l’ouest jusqu’en Californie. La conclusion de l’auteur est que l’aurore est un phénomène dû, avant tout, à des causes cosmiques telles que seraient des aurores sur le soleil, et il part de là pour émettre l’opinion que la météorologie sera nécessairement renouvelée avant peu, justement par l’introduction, dans l’étude de tous les phénomènes atmosphériques, de causes extra-terrestres.

Nouvelle théorie des aurores polaires. — À ce sujet, M. Faye présente, avec le talent d’exposition qui distingue cet académicien, des aperçus tout nouveaux quant à la cause des aurores polaires. Au lieu d’invoquer, avec M. Donati, des causes cosmiques, en quelque sorte occultes, il croit, avec juste raison suivant nous, qu’il y a tout avantage à rechercher l’explication du phénomène dans la puissance répulsive que le soleil manifeste avec tant d’évidence. Si la place nous le permettait, nous rappellerions en quoi consiste la belle découverte de la force répulsive du soleil. Bornons-nous à dire que c’est sous l’influence de cette force, opposée en direction à la gravité, que les comètes acquièrent à la fois et leurs longs appendices appelés queues et leur éclat, deux caractères qui augmentent si rapidement à mesure que ces astres errants approchent du soleil. Ceci posé, M. Faye est d’avis que des phénomènes tout à fait analogues doivent prendre naissance dans les régions les plus hautes de l’atmosphère et donner lieu justement au phénomène auroral. On est revenu de l’estimation d’après laquelle l’atmosphère n’aurait qu’une quarantaine de kilomètres. Cette hauteur, suffisante pour rendre compte des phénomènes de réfraction, est complétement en désaccord avec celles que démontrent les étoiles filantes et les bolides en s’enflammant à 80 ou 100 kilomètres au-dessus de la surface du sol. Mais cette dernière limite elle-même n’est sans doute pas la dernière. Plus haut, des matières si rares qu’elles peuvent être comparées à celles qui restent sous le récipient de nos meilleures machines pneumatiques, doivent constituer une couche sur laquelle la force répulsive, qui n’agit comme on sait que sur les masses les plus faibles, doit avoir une influence efficace. Sous l’effet de cette force, ces particules doivent être vivement repoussées à raison peut-être de un kilomètre par seconde, et c’est avec cette vitesse que, cédant ensuite à l’attraction de la terre, elles pénètrent dans les couches plus profondes de l’océan aérien. Suivant M. Faye, la perte de vitesse qui doit en résulter est capable d’échauffer beaucoup ces molécules, au point de les rendre faiblement lumineuses et de développer les aurores. Il y a là, comme on voit, une idée très-simple extrêmement originale et bien faite pour fixer l’attention.

<span id="Changement de forme et spectre de la comète de M. Henry">Changement de forme et spectre de la comète de <span class="coquille" title="M. M.">M. Henry. — Dans notre dernier article, nous avons signalé la découverte de cette comète. MM. Rayet et André, qui en ont poursuivi l’étude, adressent à l’Académie une belle planche représentant le nouvel astre et y joignent des détails intéressants. Le 23 août, la comète était sphérique avec une condensation lumineuse vers le centre. Dans la nuit du 26 au 27 on constata que son spectre consistait dans les trois raies brillantes P b et F sans trace de spectre continu. Du 29 au 30 elle présenta un diamètre beaucoup plus grand que précédemment et évalué à 8 minutes ; en même temps elle manifesta une queue assez large. Le noyau avait acquis l’éclat d’une étoile de 6e grandeur, et les auteurs croient que cet astre est destiné à devenir visible à l’œil nu. Au spectre discontinu dû à la lumière propre de la comète, est venu se joindre un spectre causé par la lumière réfléchie du soleil.

Les mers martiales comparées aux océans terrestres. — M. Élie de Beaumont donne lecture d’une note dans laquelle nous montrons que si le niveau des océans terrestres venait à baisser suffisamment, ces océans prendraient des formes toutes pareilles à celles des mers de Mars. L’intérêt de cette remarque réside dans ce double fait que Mars, dans la théorie de l’évolution sidérale, représente un astre plus âgé que la terre et offrant des conditions que celle-ci présentera plus tard ; et que l’effet le plus visible de l’avancement en âge des globes du système solaire inférieur consiste dans l’absorption de l’atmosphère et des océans par le noyau solide. Cette nouvelle remarque vient confirmer un grand nombre d’autres observations déjà présentées et leur donner par conséquent une nouvelle force.

Stanislas Meunier.



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