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LA NATURE.

21 août, et l’autre le 2 octobre, qui avait détruit une grande partie de la ville de Saint-Thomas), nous ne pensions pas qu’un troisième les suivrait de si près. D’ailleurs le vent gardait une direction constante, et à l’approche d’un cyclone il tourne dans un sens bien connu. Il n’y a qu’une seule exception à cette règle, c’est lorsqu’on se trouve directement sur le passage du centre, ce qui est le cas le plus dangereux.

« Des nuages gris plomb envahissaient l’horizon et le zénith, une brume épaisse nous entourait peu à peu. La mer grossissait toujours, et les grains se succédaient avec une rapidité remarquable. À midi et demi, la voile du grand hunier est déchirée par son milieu et emportée en mille morceaux. Vers deux heures, le temps était si couvert que de l’arrière on distinguait à peine l’avant du bâtiment. On ne voyait plus qu’une faible partie de la mer autour de nous, c’est-à-dire les deux ou trois lames les plus voisines, dont la hauteur était effrayante. Le baromètre donnait les indications suivantes :

« Midi, 759mm ; — 1 h. 40, 757mm ; — 4 h., 752mm ; 4 h. 45, 747mm. Devant une baisse aussi rapide le doute n’était plus possible. Nous étions en présence d’un cyclone, et comme nous avions marché jusque-là dans le N.-O., que de plus, le vent n’avait pas changé de direction et soufflait du N.-E., le cyclone courait comme nous ; son cercle mouvant se transportait du S.-E. au N.-O., et son centre devait passer sur nous. La manœuvre à faire était donc de fuir, vent arrière, le plus rapidement possible, afin de gagner le demi-cercle maniable, c’est-à-dire le côté du cyclone où la vitesse de translation étant en sens inverse de la vitesse de rotation, la modère un peu. Nous avions déjà perdu un temps précieux, et à cinq heures du soir, alors que le centre n’était plus qu’à dix lieues et se rapprochait avec une vitesse double de la nôtre, nous hésitions encore, et nous avions bien lieu d’être pleins d’anxiété. D’après les derniers devis de l’Amazone, il était reconnu que ce bâtiment était encore très-bon dans ses parties avant, mais que l’arrière était mauvais, et qu’il ne fallait guère compter sur sa solidité. Si donc, malgré les apparences, nous nous trouvions en présence d’une tempête rectiligne, en fuyant devant le temps nous courions le risque de perdre notre gouvernail et de rester à la merci de la tempête, ou de démolir notre arrière, d’engager peut-être, alors qu’à la cape le bâtiment ne courait aucun risque. Dans cette grave situation, le commandant demanda aux officiers leur avis ; tous furent d’accord pour dire que nous étions incontestablement en présence d’un cyclone, et qu’il fallait en conséquence courir les chances de fuir vent arrière, malgré l’état de la mer et la violence des lames.

« Vers cinq heures du soir, on commença donc à laisser porter. L’évolution fut fort lente. Ce n’est qu’à six heures que nous nous trouvâmes vent arrière, au S.-O., fuyant devant le temps sous la trinquette et la misaine avec deux ris. Malheureusement nous ne pûmes courir ainsi qu’une demi-heure. Vers 6 h. 30, le navire refuse d’obéir à son gouvernail, il embarde et vient au S.-E., nous ramenant ainsi dans le cyclone. Il est probable que le gouvernail avait été démonté par les lames. Nous étions donc à la merci de l’ouragan.

« Il faisait déjà nuit noire. Le vent avait acquis une violence si prodigieuse qu’à chaque instant nous nous disions qu’il ne pouvait plus forcer, et cependant il augmentait encore ! Il ne fallait plus songer à manœuvrer sur le pont, au milieu d’une nuit épaisse et d’un fracas étourdissant. Le commandant et l’officier de quart seuls restaient encore en haut, mais ce n’est qu’en se parlant à l’oreille qu’ils parvenaient à échanger quelques paroles. Au lieu d’avoir le cap au S.-O., nous l’avions successivement au S.-E., au sud, etc., au gré de la tempête, nous rapprochant ainsi toujours du centre de l’ouragan. Les hauteurs barométriques étaient : à 6 h. 50 de 725mm ; — à 7 h. 15, 712mm ; — à 7 h. 25, 702mm.

F. Zurcher.

La suite prochainement.


L’INDUCTION PÉRIPOLAIRE

En 1824, Gambey remarqua qu’une aiguille aimantée que l’on écarte de sa position d’équilibre oscille pendant un temps bien moindre lorsqu’elle est placée au-dessus d’un bloc de cuivre rouge, que lorsqu’elle se trouve éloignée de toute masse de métal. La nature du corps employé excluait l’idée d’une action magnétique agissant directement ; mais qu’elle qu’en fut la cause, l’existence d’une force agissant sur l’aiguille et due à la présence du cuivre rouge était certaine. Arago, s’appuyant sur ce fait, modifia l’expérience et mit en évidence l’existence de cette force de la manière suivante. Un disque de cuivre rouge peut être animé d’un mouvement de rotation assez rapide autour d’un axe vertical ; au-dessus est placée une aiguille aimantée, mobile sur un pivot. L’aiguille est en repos, l’une de ses extrémités dirigée vers le nord ; si l’on vient alors à faire tourner le disque de cuivre, on voit l’aiguille se mettre en mouvement et être entraînée dans le sens de la rotation du disque ; une feuille de papier ou de parchemin est tendue au-dessous de l’aiguille, de telle sorte que l’on ne peut admettre que l’air ait pu communiquer à celle-ci le mouvement du disque. Ces deux expériences sont concluantes : lors du mouvement relatif d’un disque de cuivre et d’un aimant, il se développe une force appliquée aux pôles de ce dernier et agissant dans le sens du mouvement relatif du disque, par rapport à l’aimant.

Disons, en passant, que cette propriété fut appliquée dans la construction des galvanomètres et que l’on parvint, par l’interposition d’une plaque de cuivre, à ramener assez rapidement au repos les aiguilles de ces appareils, aiguilles qui oscillent d’autant plus lentement et d’autant plus longtemps que le galvanomètre est plus sensible.