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LA NATURE.

Dans le cours de l’Orénoque et dans celui de quelques autres fleuves américains, la nature se plaît à colorer les eaux des nuances les plus diverses ; il en est de bleues, de vertes et de jaunes ; il en est de brunes comme le café, il en existe enfin qui sont aussi noires que de l’encre. Les eaux de l’Atabapo, dont les bords sont tapissés de carolinées et de mélastomes arborescents, celles du Temi, du Tuamini et de la Guainia, ont la teinte brune du chocolat ; à l’ombre des palmiers, elles prennent une couleur complètement noire ; emprisonnées dans des vases transparents, elles sont d’un jaune doré. Ces colorations, dues sans doute à une dissolution abondante de matières organiques, font de l’eau un véritable miroir ; c’est ainsi que, lorsque le soleil a disparu sous l’horizon, l’Orénoque forme une masse opaque où se reflètent, avec une admirable clarté, la lune et les constellations méridionales.

Formation d’îles flottantes sur le Missouri.

Les eaux de l’Orénoque, comme celles du Nil et d’un grand nombre d’autres fleuves de l’Afrique ou de l’Asie, teignent en noir les rivages et les rocs granitiques qu’elles arrosent depuis des siècles ; il s’ensuit que la coloration des rochers et des pierres qui s’élèvent en amphithéâtre sur leurs rives marque en toute évidence leur ancien niveau. Sur les bords de l’Orénoque, dans les rochers de Kéri, à l’embouchure du Jao, on remarque des cavités peintes en noir par l’action du fleuve ; et ces cavités sont cependant situées à plus de 50 mètres au-dessus du niveau de la surface actuelle des eaux. Leur existence nous enseigne et nous démontre un fait déjà constaté par d’autres preuves analogues dans tous les lits des fleuves européens, à savoir que les courants dont la grandeur nous frappe d’étonnement ne sont que les restes modestes des masses d’eau gigantesques qui traversaient les continents dans les temps géologiques, alors que l’homme n’était pas né[1].

Gaston Tissandier.

CHRONIQUE

L’enseignement en Allemagne. — Un journal d’outre-Rhin, la Gazette de Vos, vient de faire paraître une statistique que nous nous empressons de publier : on ne saurait trop montrer la richesse de l’instruction en Allemagne, dans un pays comme le nôtre où, sous ce rapport, la misère est si grande.

D’après les derniers renseignements officiels, l’empire allemand compte 380 gymnases, pro-gymnases et lycées ; 156 écoles latines (en Bavière et Wurtemberg), 270 realschulen ; 12 hautes écoles techniques et polytechniques. La Prusse possède, en outre, 26 écoles provinciales des arts et métiers ; la Saxe 5 écoles de commerce et 4 écoles des arts et métiers et écoles d’architecture ; Saxe-Cobourg-Gotha, 3 écoles de ces deux dernières catégories ; la ville de Hambourg possède une école des métiers pour les garçons et une autre pour les filles. La Bavière compte 33 écoles de métiers, de commerce et d’agriculture ; la Prusse 29 écoles agricoles avec 41 écoles d’hiver d’économie rurale. Le reste de l’empire allemand possède encore 56 écoles appartenant à l’une ou à l’autre de ces catégories.

La Prusse compte 260 écoles publiques supérieures des filles ; le reste de l’Allemagne en compte 54. 143 séminaires pour la formation d’instituteurs et pour leur perfectionnement sont en pleine activité dans l’empire alle-

  1. Humboldt.