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LA NATURE.

pierres. Pendant ces mêmes 120 ans, qui n’ont fourni que 4 fers, le ciel a laissé tomber sur l’Europe plus de 190 pluies de pierres, dont plusieurs se composaient de milliers de météorites distinctes les unes des autres.

Quoi qu’il en soit, on connaît, à la surface du globe un nombre considérable de blocs métalliques qui sont évidemment d’origine météorique, quoique leur chute n’ait pas eu de témoins. Malgré cette circonstance, on les reconnaît comme météoriques, avec autant de certitude que si on les avait vus tomber et cela, parce qu’ils présentent toute une série de caractères qu’aucune roche terrestre ne peut nous offrir et qu’on retrouve dans les masses fournies par les chutes observées. Disons un mot des principaux de ces caractères.

Souvent les fers météoriques sont ductiles et malléables. La collection du Muséum contient plusieurs barreaux forgés avec le métal céleste. Il suit de là que certains sauvages utilisent le fer météorique à la fabrication d’ustensiles qu’ils seraient contraints, sans cela, de façonner avec de la pierre, et la collection renferme, par exemple, une petite hachette de ce genre, provenant des Esquimaux. De même, les peuples civilisés utilisent aussi le fer météorique, mais plutôt pour le convertir en objets d’ornement qu’en ustensiles ou en outils. Un des derniers empereurs de Russie avait une épée faite du métal extra-terrestre, et M. Boussingault raconte que Bolivar en avait une de même nature. Parfois cependant le fer météorique est trop cassant pour se prêter aux usages ordinaires de ce métal. C’est, par exemple, ce qui se présenta pour le fer tombé, en 1620, devant D’Geban Guir, l’empereur du Mogol, qui ne put en obtenir des armes qu’après y avoir fait ajouter une forte proportion de fer doux. La collection du Jardin des plantes, renferme plusieurs fers qui se pulvérisent sous le choc du marteau.

Fig. 1. — Holosidère découvert à Caille (Alpes-Maritimes), en 1828, et montrant à la fois les figures de Widmannsætten et un rognon cylindroïde de sulfure de fer, appelé troïlite. (Grandeur naturelle)

Quant à la composition des holosidères, elle n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire et contraste avec celle de l’acier. Cependant l’analyse chimique donne des résultats, en général peu compliqués, mais qui, comme on va le voir, ne rendent pas compte de la nature spéciale de chaque fer. Ainsi, M. Rivot, analysant le célèbre fer de Caille, sur lequel nous reviendrons dans un moment, y a trouvé :

Fer 
93,3
Nickel 
6,2
Silicium 
0,9
Cobalt, chrome 
traces
  100.4

Ces nombres fournissent évidemment des notions très-utiles, mais ces notions sont très-incomplètes. Un coup d’œil suffit, en effet, pour montrer que le fer analysé n’est pas un minéral défini, semblable à lui-même dans toutes ses parties, mais que, comme la plupart des roches, il consiste dans le mélange de plusieurs minéraux différents. Outre le fer nickelé, qui constitue la masse principale, on y voit de gros rognons cylindroïdes, d’une matière spéciale appelée troïlite, que l’on observe très-bien sur notre figure 1, et qui est formée d’un sulfure particulier de fer et de nickel. Sous l’influence des agents atmosphériques, ce sulfure, très-attaquable, disparaît peu à peu et laisse vide la place qu’il occupait ; c’est par cela que le gros échantillon de Caille est tout lardé de cavités cylindroïdes, que pendant longtemps on a cru forées artificiellement. Autour de la troïlite on reconnaît des couches concentriques de graphite tout à fait analogue à la mine de plomb et qui pourrait, comme elle, servir à la fabrication des crayons. Enfin, dans certaines régions du fer, on reconnaît des amas d’une matière métallique spéciale, appelée schreibersite, et qui est formée par la combinaison du phosphore avec le fer, le nickel et le magnésium.

Mais ceci n’est pas encore tout. Le fer nickelé, que nous considérons comme simple, est lui-même très-complexe. Une expérience très-ingénieuse, imaginée par le physicien Widmannstætten, montre qu’il consiste dans l’assemblage de lamelles formées d’alliages définis mais différents les uns des autres.

Pour faire l’expérience de Widmannsætten, on produit sur un fer une surface plane, puis on la polit avec soin et, cela fait, on la soumet à l’action d’un acide, de l’acide chlorhydrique par exemple. Au lieu de s’attaquer uniformément, comme ferait du fer