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LA NATURE.

atteint, il parcourut rapidement le reste de l’Écosse pendant que ses deux compagnons se repliaient sur Londres, où le choléra venait d’éclater. Ils arrivaient tous trois à Paris avant le 22 mars, jour funeste où les premiers signes de l’invasion furent constatés. Quand la crise éclata, ils étaient donc sur le champ de bataille, prêts à mettre au service de leurs compatriotes le fruit de l’expérience personnelle qu’ils avaient acquise en pays étranger, au péril de leur vie.

C’est à l’Hôtel-Dieu que le docteur Récamier utilisa leurs avis. Le livre du professeur Delpech, à la rédaction duquel Coste prit une grande part, permet de voir que la maladie avait été très-sûrement diagnostiquée ; on avait nettement reconnu l’existence de la diarrhée prémonitoire, et indiqué pour la combattre l’efficacité des boissons opiacées. Il est vrai, l’on émettait quelques doutes sur l’utilité des cordiaux alcooliques que prônait Magendie, et l’on inclinait pour les saignées, d’après le système rival du docteur Brousseau.

Ces dangers et ces travaux mirent naturellement en évidence le jeune docteur Coste, qui n’eut pas de peine à se faire admettre au Jardin des Plantes en qualité de préparateur des cours d’anatomie. Il assistait à cette étonnante leçon où Cuvier sembla pressentir si nettement la paralysie foudroyante qui vingt-quatre heures plus tard devait le frapper. Il faisait partie du petit nombre d’admirateurs et d’amis qui deux ou trois jours plus tard, reçurent le dernier soupir du législateur de la paléontologie.

Travaux de M. Coste.
Épinoche gardant son nid et agitant l’eau autour de ses œufs avec ses nageoires.

Delpech, qui dirigeait un grand établissement d’orthopédie, et qui était en outre professeur à l’Académie de médecine, ne pouvait rester longtemps éloigné du siège ordinaire de ses travaux et du centre de sa clientèle. Il revint donc à Montpellier ; ce fut pour se faire assassiner en plein jour par un fou furieux, son ancien pensionnaire, qui lui tira un coup de fusil par la fenêtre d’un hôtel, et qui se brûla la cervelle avant qu’on eût pu le saisir.

Coste, resté à Paris, continua ses travaux, qui lui valurent la grande médaille d’or de l’Académie des sciences pour l’année 1834. Son maître et ami Delpech lui était associé dans cette belle récompense.

Une note de Dutrochet, rapporteur d’une des commissions qui ont eu à se prononcer sur la valeur des travaux de Coste et Delpech, permet de juger la nature des obstacles que le jeune expérimentateur rencontra et la flexibilité d’esprit dont il dut faire preuve pour parvenir à les vaincre. « Puisque nous sommes amenés à parler ici, dit l’académicien, de notre dernier rapport sur le travail relatif à l’ovologie du lapin, nous croyons devoir présenter une observation que nous ne fîmes point alors. Les travaux de M. Coste furent présentés à l’Académie dans plusieurs communications successives, lesquelles furent toutes renvoyées à la même commission. Les journaux qui rendent un compte habituel des séances de l’Académie donneront au fur et à mesure l’analyse de ces travaux successifs. Or, M. Coste, par notre avis, supprima entièrement son premier travail. Il reconnut qu’il s’était trompé et il accepta la manière dont nous développions les phénomènes qu’il mettait sous nos yeux. Mais par un sentiment de bienveillance nous crûmes devoir nous abstenir de parler dans notre rapport des parties du travail que M. Coste avait retirées, nous eûmes tord !! » En effet, les journaux, ces maudits, attribuèrent à toutes les parties du travail de M. Coste, l’approbation que Dutro-