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N° 20. — 18 OCTOBRE 1873.
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LA NATURE.

LE MÉGATHÉRIUM
DU MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE.

Il manquait aux incomparables richesses fossiles du Muséum d’histoire naturelle le squelette complet du Mégathérium, de cet étrange représentant des êtres gigantesques qui peuplaient autrefois la surface de notre globe. Dans tous les musées du monde civilisé on ne comptait que quatre squelettes de ce mammifère, souvent désigné sous le nom d’animal du Paraguay. L’un d’eux existe à Madrid, le second à Londres, le troisième à Buenos-Ayres, et le quatrième enfin, très-incomplet, est conservé à l’École normale de Paris.

Les galeries d’anatomie comparée, du Jardin des Plantes viennent de s’enrichir d’un magnifique squelette de Mégathérium ; il y a plusieurs années déjà que les os du colosse fossile ont été envoyés au Muséum, mais il a fallu les débarrasser complètement du limon durci des pampas qui les couvrait d’une enveloppe épaisse, les classer, les réunir et souder leurs débris, pour ressusciter enfin le squelette primitif. Cette tâche laborieuse et savante est terminée depuis quelques jours. Désormais le nombre des squelettes de Mégathérium, reconstitués, s’élève à cinq, mais le nouvel échantillon du Muséum est le plus remarquable de tous, par son intégrité et par l’admirable état de la conservation des pièces qui le composent. Il est digne de la collection qui brille de l’éclat qu’y ont jeté les Cuvier, les Geoffroy Saint-Hilaire et leurs illustres successeurs.

Crâne du Mégathérium du Jardin des Plantes (d’après une photographie de M. Molteni). (1/10 de grandeur naturelle.)

Le Mégathérium n’a jamais été, en France, l’objet d’une publication détaillée, et les traités de paléontologie de notre pays ne donnent à son égard que des renseignements incomplets et souvent trop sommaires. Les détails que nous publions sur ce curieux animal sont tout à fait nouveaux chez nous : nous espérons qu’ils seront lus avec autant d’intérêt par les géologues et les paléontologistes que par la majorité de nos lecteurs.

Les restes du Mégathérium se rencontrent assez fréquemment aujourd’hui dans l’Amérique du Sud, dans les pampas de la Confédération argentine, au Paraguay, et principalement sur les larges rives du cours d’eau de ce nom, ainsi que sur celles du Rio de la Plata.

Le nouveau squelette du Muséum mesure 5m,25 de longueur, 2m,55 de hauteur et 2m,22 de largeur. Nous devons ajouter que ce remarquable squelette, quoique prodigieuses que soient ses dimensions, n’appartient pas cependant à un sujet de la plus grande taille. Il est inutile de dire qu’il excède de beaucoup la grandeur des plus énormes éléphants modernes, et qu’il justifie parfaitement l’étymologie de son nom, qui veut dire grand animal.

Les seuls animaux actuels qui, sous le rapport de leur conformation générale et de leur physionomie, aient une ressemblance manifeste avec le Mégathérium, sont l’aï et l’unau. Quoique ces genres d’animaux, également de l’Amérique méridionale, ne dépassent pas la taille d’un chat, on doit les considérer en quelque sorte comme les représentants du Mégathérium à notre époque.

L’animal du Paraguay n’était pas autrefois le seul géant de l’ordre des édentés, auquel il appartient : les mylodons, les scélidothériums, les mégalonyx, vivaient jadis dans les mêmes régions que le Mégathérium, et, comme lui, ils ne sont plus représentés que par de chétifs animaux.

La structure du squelette du Mégathérium offre

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