Page:La Nature, 1873.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
326
LA NATURE.

structure que nous offrent beaucoup de roches terrestres, telles que les brèches de froissement de beaucoup de filons et les pépérinos de nos volcans.

Parmi ces brèches extra-terrestres sur lesquelles il nous faudra revenir, la pierre de Saint-Mesmin (Aube), tombée le 30 mai 1866, présente des fragments blancs empâtés dans une substance foncée, et la météorite tombée le 28 février 1857 à Parnallee, dans l’Inde, étudiée lithologiquement, a révélé l’existence de fragments appartenant à douze espèces différentes de roches.

La troisième division des sporadosidères, celle qu’on appelle des kryptosidères, parce que le fer s’y dérobe à la vue et ne devient sensible qu’à la faveur de certaines expériences, est beaucoup moins nombreuse que les précédentes. Elle renferme des masses dont plusieurs sont intéressantes par leur comparaison avec diverses roches terrestres. En tête figurent les météorites alumiueuses appelées eukrites par Gustave Rose, et qui sont remarquables par l’éclat de leur croûte rappelant un vernis, caractère dû à leur grande fusibilité relative. Pendant le passage de la pierre au travers de l’atmosphère, la couche superficielle a ruisselé dans certains cas et produit des bourrelets dont la disposition permet de retrouver la situation du projectile. C’est par l’étude de ces bourrelets que l’on arrive à distinguer chez les météorites le côté d’avant du côté d’arrière. Les eukrites sont essentiellement formées par le mélange cristallin et grenu d’un feldspath (anorthite ou labrador) avec le pyroxène augite. Or c’est rigoureusement la composition de certaines laves volcaniques terrestres et spécialement de celles du volcan islandais appelé Thjorza. La chute de ces météorites est rare, et les collections n’en représentent guère que cinq. Deux ont eu lieu en France, à Jonzac (Charente-Inférieure), le 13 juin 1819, et à Juvinas (Ardèche), le 15 juin 1821.

Au nombre des kryptosidères se trouve un autre type remarquable par le même genre d’intérêt, c’est-à-dire reproduisant une roche terrestre. C’est celui qui a fourni la chute observée à Chassigny, dans la Haute-Marne, le 3 octobre 1815. Cette pierre est formée du mélange de péridot granulaire avec le fer chromé, exactement comme les fragments cités tout à l’heure dans le fer d’Atacama. C’est une roche qu’on retrouve sur la terre, sous le nom de dunite, à la Nouvelle-Zélande, où elle constitue de hautes montagnes d’après M. de Hochstetter, ainsi qu’à Bourbon et en France, dans l’Ardèche, où elle se trouve en fragments empâtés dans certains basaltes.

Enfin nous mentionnerons comme kryptosidère la météorite si singulière tombée le 25 mars 1843 à Bishopville, Caroline du Sud. Elle se distingue à première vue par la blancheur de lait de sa substance, qui est constituée par le minéral magnésien que les minéralogistes appellent eustatite, et par sa croûte que nous avons déjà mentionnée comme étant presque blanche, au lieu d’être noire comme à l’ordinaire.

Nous aurons terminé la longue revue des types de météorites quand nous aurons dit quelques mots des étranges masses de la section des asidères, plus connues sous le nom de météorites charbonneuses. Ces météorites renferment, outre du charbon libre, des composés hydroxycarbonés analogues à ceux de la chimie organique. Aussi ont-elles arrêté l’attention des physiologistes en même temps que celle des minéralogistes. Il y avait lieu, en effet, de se demander si ces composés remarquables, analogues à ceux qui dérivent par altération de nos matières végétales, avaient pu se produire sans le concours des vivants, et l’on comprend les conséquences auxquelles cette découverte aurait conduit. Mais, d’après les expériences synthétiques de M. Berthelot, il ne semble pas que la collaboration de la vie soit indispensable à la formation des corps dont il s’agit, et ceux-ci peuvent être comparés jusqu’à un certain point aux bitumes de nos volcans.

Stanislas Meunier.

La suite prochainement.


LA CÔTE DU GABON

Au moment où il est question des nouvelles explorations entreprises, dans le Gabon, par deux de nos compatriotes, MM. Marche et de Compiègne, nous croyons devoir donner quelques détails sur la géographie de contrées, à peine connues du monde civilisé, et qui intéressent tout particulièrement notre pays.

Ce district de l’Afrique torride est traversé par l’équateur et appartient encore à la France. Il est probable que les explorations scientifiques dont il est l’objet et que les découvertes des Français ont provoquées, donneront une nouvelle impulsion à la colonisation, ou plutôt à l’occupation française. Le pays est, en effet, sillonné par de nombreuses factoreries, la plupart étrangères, et qui, grâce au caractère docile des indigènes, gagnent chaque jour du terrain. Elles s’enfoncent progressivement dans les terres. Ce mouvement de propagation de l’influence européenne est d’autant plus remarquable qu’une nouvelle race venant des profondeurs encore inconnues de l’Afrique, et bien supérieure aux peuplades abruties qui jusqu’à ce jour occupaient seules ces rivages, se fait une place de plus en plus grande. Ces nouveaux venus sont les Palhouins ou Faces, dont tous les voyageurs font le plus grand éloge.

C’est depuis 1842 que nous sommes établis à l’embouchure de l’estuaire du Gabon en un point nommé Libreville, où l’évêque catholique de toute la contrée a établi sa résidence. Il n’y a pas encore dix ans cependant que l’on a des notions sommaires sur la géographie de cette partie importante de l’Afrique occidentale, car suivant toute probabilité, le fleuve découvert en quelque sorte par M. Serval, lieutenant de vaisseau de la marine impériale, est un frère du Nil, et vient comme lui s’alimenter aux