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LA NATURE.

chlorure d’argent à la profondeur de 50 mètres ; 6o Repos presque absolu. Les vagues ne remuent plus, le fond et les courants du lac sont très-faibles. Le plus fort courant mesuré par M. Forel marchait à raison de 12 mètres par minute ; 7o Pression considérable à raison d’une atmosphère par 10 mètres d’eau ; 8o Flore presque annulée. Au delà de 25 mètres il n’y a plus traces de plantes vertes. Encore quelques algues violettes et un très-grand nombre de belles diatomées.

Dans ces conditions vivent les animaux appartenant à tous les types et presque à toutes les classes, depuis les vertébrés représentés par les poissons, jusqu’aux protozoaires représentés par les infusoires.

M. Forel a étudié aussi la faune des lacs de Neuchâtel, Zurich, Constance (Bodeusee et Untersee). Quelques sondages dans chacun de ces lacs lui ont permis de constater, sinon l’ensemble des espèces, du moins un assez grand nombre d’animaux analogues pour qu’il puisse avancer que dans les autres lacs suisses la même faune profonde se retrouve à peu près dans les mêmes conditions.

Voici les conclusions que formule M. Forel :

1o Il y a dans les lacs trois faunes distinctes : La Faune littorale ou faune des rivages, allant jusqu’à 15 ou 20 mètres de fond. La faune profonde, allant de 20 à 25 mètres jusqu’à 300 mètres et plus. La Faune pélagique ;

2o Toutes les formes de la faune littorale ne se retrouvent pas dans la faune profonde ;

3o Toutes les formes de la faune profonde ont leurs similaires ou leurs analogues dans la faune littorale. Les modifications qu’on trouve dans les types des profondeurs semblent une adaptation au milieu ;

4o Il n’y a pas dans la faune profonde de différences horizontales. Au même niveau, la faune est la même à Villeneuves et à Morges ;

5o En fait de différences verticales en suivant la profondeur, l’on peut remarquer que quelques (deux ou trois) espèces, que l’on connaît entre 30 et 100 mètres n’ont pas été retrouvées à 300 mètres, mais que tous les types de 300 mètres se retrouvent entre 30 et 100 mètres ;

6o Différences locales assez fortes. En certaines places sont des bancs de coquilles d’œufs, de carapaces de crustacés ;

7o Différences suivant les saisons assez importantes pour quelques groupes (larves d’insectes) ;

8o La faune profonde étant la mieux déterminée entre 30 et 60 mètres, c’est à cette profondeur qu’il convient de l’étudier ;

9o En comparant la faune des différents lacs, l’on reconnaît que les caractères généraux des faunes profondes sont les mêmes ;

10o Que les caractères spéciaux varient pour quelques types dans les différents lacs.

En terminant, M. Forel insiste sur l’intérêt que présentera l’étude des modifications spécifiques dans les différents lacs qui ont dû servir de centre de formation particulière depuis l’époque glaciaire, et dans lesquels les espèces ont dû se modifier isolément pour s’adapter au milieu depuis un temps relativement assez court[1].


CHRONIQUE

Les lustres de l’Assemblée nationale. — Jusqu’ici on allumait à l’avance les lustres destinés à éclairer nos représentants ; on faisait brûler le gaz à petite flamme jusqu’au moment où, en ouvrant le robinet de canalisation, on donnait aux lumières leur intensité normale. Ce système avait l’inconvénient de brûler du gaz inutilement, d’élever la température de l’air en été et de vicier l’atmosphère par les produits de la combustion. Aujourd’hui, grâce à un ingénieux système électrique, on allume les 352 becs de la salle d’un seul coup. On a disposé à l’avance des fils conducteurs minces qui permettent à l’étincelle électrique de jaillir à l’orifice même de chaque bec de gaz. Ce procédé, fort pratique, devrait être utilisé dans les théâtres et dans les établissements qui ont un grand nombre de brûleurs. L’application de ce système ingénieux est dû à M. Ruhmkorff, et remonte déjà à dix ans environ, quoique certains journaux mal renseignés lui donnait une origine récente.

La médecine pneumatique. — M. le docteur Béclard, secrétaire perpétuel de l’Académie de médecine, a récemment présenté à la docte assemblée de nouveaux appareils inhalateurs fort ingénieux, dus au docteur J. Rengade. Ces appareils donnent au medecin la possibilité d’administrer directement, par les voies aériennes, des médicaments extrêmement actifs, et de pratiquer, par conséquent, avec beaucoup plus d’efficacité qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour, le traitement rationnel des maladies laryngées et pulmonaires. M. le docteur Rengade a publié sous le titre de Médecine pneumatique une fort intéressante brochure, où il décrit les appareils qu’il a imaginés pour l’inhalation des gaz, des vapeurs, des poussières liquides qui semblent se présenter comme les plus utiles auxiliaires de la thérapeutique pour combattre les terribles maladies des voies respiratoires.

Ascension du ballon de Nassau. — Le 26 septembre, M. Coxwell a fait une ascension avec le ballon le Nassau, qu’il avait acheté à la mort de l’aéronaute, Green, et qu’il a réparé avec le plus grand soin. Ce ballon avait servi au duc de Brunswick pour traverser la Manche, et au malheureux Cooking pour faire sa fatale expérience avec le parachute retourné. Cette ascension a eu lieu des ruines du palais d’Alexandra Park ; elle avait pour but de démontrer qu’il n’existe pas de courant général aérien dans la direction du Sud-Ouest, et par conséquent que la tentative pour traverser l’Atlantique en ballon est insensée. Le temps était clair et le vent inférieur venait de l’est. À une hauteur assez faible, le vent a tourné vers le nord-est, et à 10 000 pieds anglais, il était nord-sud. Les nuages supérieurs suivaient cette direction aussi loin que la vue des aéronautes qui s’étaient élevés à 3 000 mètres pouvait porter. Ils avaient pris avec eux dans les airs une hélice horizontale destinée à modérer leur force ascendante.

2e échec du ballon Transatlantique. — L’ascension du ballon Transatlantique dont les dimensions

  1. Archives des sciences physiques et naturelles. — Genève, 1873.