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LA NATURE.

minutes. C’est, en effet, la moyenne, à peu de chose près, de toutes les déterminations anciennes et modernes de cet élément.

Il est, à coup sûr, intéressant de connaître, avec quelque précision, le résultat des recherches auxquelles se sont livrés les astronomes pour calculer les durées des rotations planétaires. Mais les recherches elles-mêmes, dans leurs détails, offrent encore un plus grand intérêt, pensons-nous, que le résultat final. La raison en est aisée à comprendre, et elle est particulièrement frappante pour la planète que nous étudions.

Comment, en effet, peut-on reconnaître et calculer le mouvement de rotation d’un corps céleste ? Il faut pour cela, que des particularités physiques se montrent sur le disque, que ces particularités, taches obscures ou brillantes, aient une certaine permanence, afin que, de l’étude de leurs mouvements apparents à la surface, on puisse conclure avec certitude le mouvement qui les entraîne, en le dégageant des modifications de position ou de forme qui leur sont propres. C’est ainsi que l’observation des taches solaires a permis d’abord de constater le mouvement du globe incandescent sur son axe, puis la durée approximative de la rotation. Des observations plus précises et plus multipliées ont prouvé que les taches ne sont pas absolument fixes, qu’elles varient de forme, d’étendue, de position ; que suivant leurs distances à l’équateur solaire, elles donnent des nombres différents pour la durée de la rotation, etc. toutes circonstances qui se sont trouvées du plus haut intérêt pour la constitution physique du soleil.

Des questions toutes semblables vont se présenter pour Jupiter. Son disque, vu au télescope, est parsemé, le dessin de M. Tacchini en fait foi, d’un grand nombre d’accidents, bandes plus ou moins régulières, taches obscures ou brillantes, propres à l’étude du mouvement en question. Les bandes, à elles seules, grâce à leurs irrégularités, auraient permis d’en calculer la durée, qui est assez rapide pour que, dans l’intervalle de deux ou trois heures, le déplacement d’un de leurs points soit sensible, et sans que leurs déformations en masquent la loi. Nous avons sous les yeux deux dessins de Jupiter faits par un habile observateur que la science a eu tout récemment la douleur de perdre, M. J. Chacornac. Le premier représente la planète vue le 13 octobre 1856, à 8 h. 30 m. du soir ; le second donne son aspect le même jour, à 9 h. 30 m., c’est-à-dire précisément une heure plus tard. L’une des bandes est partagée en divers fragments de forme très-caractéristique, très-reconnaissables entre eux ; la mesure micrométrique de la position de plusieurs points, position qui a varié très-sensiblement dans le court intervalle des deux observations, suffisait évidemment pour obtenir une détermination approchée de la rotation de Jupiter.

Mais ce ne sont pas les bandes, ce sont des taches particulières, dont quelques-unes ont offert un degré de permanence remarquable, qui ont servi à déterminer la rotation de Jupiter. Cette découverte date de l’année 1665 et elle est due à Dominique Cassini. Il est intéressant d’en connaître les détails ; voici comment ils sont donnés par Cassini II dans les Éléments d’astronomie.

« Au mois de juillet de l’année 1665, mon père découvrit divers changements, tant dans les trois bandes obscures de Jupiter que l’on y aperçoit ordinairement que dans le reste de son disque, et il y vit naître des brillants, comme on en a vu autrefois dans le Soleil. Il découvrit aussi, dans la partie septentrionale de la bande la plus méridionale de Jupiter, une tache qui paroissoit se mouvoir sur son disque apparent de l’orient vers l’occident, et qui, après avoir cessé de paroître, revenoit sur le disque apparent et au même point où on l’avoit vue dans la révolution précédente, après un intervalle de 9 h. 56′, ce qu’il reconnut par un grand nombre de révolutions observées pendant les six derniers mois de l’année 1665, et les six premiers mois de l’année 1666. Cette tache paroissoit plus large vers le centre que vers la circonférence, où elle se rétrécissoit, de sorte qu’elle se perdoit de vue avant que d’arriver au bord de Jupiter ; son mouvement paroissoit plus vif près du centre que vers les bords, ce qui fait connoître qu’elle étoit adhérente à la surface de Jupiter, et qu’elle tournoit sur son axe par un mouvement qui, considéré du centre de Jupiter, se faisoit de l’occident vers l’orient. Cette tache, après avoir été visible l’espace d’environ deux années, cessa de paroître jusqu’au commencement de l’année 1672, qu’on l’aperçut de nouveau, dans la même forme et dans la même situation à l’égard du centre de Jupiter, où on l’avoit vue en 1665, 1666 et 1667. Comparant les intervalles de six années, on trouva sa révolution de 9 h. 55′ 51″, et continuant ces observations, jusqu’à la fin de l’année 1674, on trouva que ses révolutions étoient de 9 h. 55′ 53″ 1/2, plus lentes de deux secondes 1/2 que par la première comparaison. »

On voit, par ce court exposé de la découverte, que toutes les circonstances du mouvement de rotation et des apparences qui les manifestaient avaient été parfaitement notées par le célèbre astronome : sens et durée du mouvement, variation de la vitesse apparente, disparition de la tache vers les bords, fait sur lequel nous reviendrons plus loin, parce qu’il est important pour la constitution de l’atmosphère de Jupiter.

Mais ce qu’il faut noter, dans les observations de Cassini, comme une circonstance vraiment remarquable, c’est la longue permanence de la tache qui a fourni les résultats précédents ; nous voyons déjà que, sur un total d’environ huit années, la tache a été visible pendant cinq ans. Après une nouvelle disparition de deux ans et demi, elle reparut encore pendant environ six mois, à partir de juillet 1667, puis fut de nouveau pendant huit ans invisible, pour être observée de mars 1685 à octobre 1687, c’est-à-dire deux ans et demi environ. Ces observations