je descendais toujours de voiture pour la faire à pied, m’enivrer de la beauté du coup d’œil, et cueillir les fleurs sauvages. »
« Je l’ai connu dans le beau temps de sa popularité, j’ai été témoin de ses triomphes ; je l’ai connu dans l’adversité, et j’ai eu le bonheur de pouvoir lui donner mon appui et mes consolations dans l’exil.
« Toujours il était le même, simple, modeste, naturel, plein de bonté, chrétien, dans la plus belle acception du mot. »
Les impressions, les souvenirs de ses nombreux amis ne pourraient que confirmer ce juste hommage rendu à la mémoire du savant illustre qui joignit aux dons les plus rares de l’imagination, l’infatigable persévérance du génie, les plus solides, les plus aimables qualités de l’homme de bien, et les généreux sentiments d’un bienfaiteur de l’humanité.
L’AZOTE ATMOSPHÉRIQUE
ET LA VÉGÉTATION.
Notre collaborateur, M. P.-P. Dehérain, vient d’adresser à l’Académie des sciences un Mémoire important, où il indique la solution d’une question à l’étude depuis de longues années.
Une forêt régulièrement exploitée perd annuellement, à chacune des coupes qu’elle subit, une certaine quantité d’azote combiné, et bien qu’on ne se préoccupe nullement de restituer au sol les matières contenues dans le bois exporté, on ne remarque pas que la fécondité du sol forestier ait baissé. Les prairies hautes, qui ne reçoivent comme fumure, que les déjections des animaux qui y séjournent tout l’été, conservent indéfiniment leur fertilité, et cependant les animaux qui retournent à la plaine ont prélevé, pour augmenter leur poids, pour fabriquer leur laine ou leur lait, une quantité notable de l’azote qui existait dans le sol qui les a nourris. La terre soumise à un assolement régulier abandonne aux récoltes plus d’azote que n’en contient la fumure ; les prairies soumises, dans le Midi, à une irrigation ménagère fournissent une récolte de foin qui renferme plus d’azote qu’il n’en existe dans le fumier et dans l’eau d’irrigation qu’elles ont reçue.
L’azote est un corps simple, qui ne saurait être créé ; il faut donc que le grand réservoir atmosphérique ait été la source inépuisable où la végétation puise l’excès d’azote qu’elle présente sur celui qu’elle reçoit directement sous forme d’engrais
On avait pensé d’abord que les plantes sont capables de prendre directement l’azote atmosphérique et de l’employer à la formation des principes albuminoïdes qu’elles élaborent ; M. G. Ville, professeur au Muséum d’histoire naturelle, qui le premier avait soutenu cette idée, n’a pas réussi à la faire adopter ; tous les essais entrepris en France et en Angleterre, pour vérifier ses assertions, ont complètement échoué, et le mécanisme de l’intervention évidente de l’azote atmosphérique dans la végétation était inconnu avant les recherches de M. Dehérain.
Notre collaborateur a reconnu que les matières végétales, en se décomposant, émettent de l’hydrogène susceptible de s’unir à l’azote pour former de l’ammoniaque ; cette ammoniaque se combine à la matière végétale elle-même, pour donner ces produits carbo-azotés qui existent en quantités notables dans la terre arable, puisqu’on trouve dans une terre bien cultivée 2gr à 2gr 5 d’azote combiné par kilogr. de terre.
Pour que cette fixation d’azote se produise, il faut que l’hydrogène se dégage dans une atmosphère pauvre en oxygène, comme l’est la terre arable dans laquelle abondent les débris organiques ; ceux-ci, en se brûlant lentement, s’emparent de l’oxygène pour former de l’acide carbonique ; l’hydrogène en se dégageant de ces matières organiques rencontre seulement de l’azote, et forme de l’ammoniaque, tandis qu’il produirait de l’eau s’il se dégageait dans une atmosphère oxygénée.
C’est donc dans le sol qu’a lieu la fixation de l’azote atmosphérique, et l’abondance des débris végétaux, de l’humus, est favorable à cette fixation.
La combinaison se produira d’autant plus aisément que l’accès de l’oxygène sera plus difficile ; elle se fera surtout dans la forêt ou la prairie, dont le sol, constamment enrichi par les détritus végétaux, n’est pas retourné par le soc de la charrue[1].
L’ARUM MUSCIVORUM
La fécondation constitue pour les plantes l’un des actes les plus importants de leur existence ; aussi la nature a-t-elle dû faire concourir à cette fonction les moyens les plus nombreux et les plus variés.
Au nombre des plantes qui présentent à l’époque de leur floraison les procédés les plus singuliers pour assurer la fécondation, nous placerons l’arum muscivorum.
Cette plante, qui appartient à la famille des aroïdées, croît dans les lieux ombragés ; ses fleurs unisexuées sont portées sur un seul pédoncule ou spadice : les fleurs mâles sont placées à la partie supérieure et les fleurs femelles au-dessous ; le tout est entouré d’une large feuille engaînante, enroulée en cornet qui porte le nom de spathe, et dont l’intérieur est garni de longs poils plongeant vers le fond du cornet. Il est facile de comprendre que le vent et les insectes n’ayant aucune prise sur les fleurs à cause de cet appareil protecteur, il n’y aurait aucun motif pour que le pollen se répandît sur les fleurs femelles au moment de la floraison. Mais la nature prévoyante a
- ↑ Comptes rendus. — Séance du 9 juin 1873, p. 1390.