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LA NATURE

ment de volcans en activité. Si elles ont été déposées par des volcans éteints, la recherche de leur point d’origine peut conduire les géologues à d’intéressantes découvertes.

Élie Margollé.

La suite prochainement. —


LES CAMÉLÉONS

Dans une des dernières séances de la Société de biologie, M. Paul Bert a présenté un travail fort original au sujet de quelques détails physiologiques relatifs aux caméléons. Voici, d’après le Progrès médical, le résumé des observations du savant professeur.

Rien n’est plus célèbre que les changements de coloration que présente le caméléon ; mais rien n’est plus mal connu. Aussi, par réaction contre une exagération toute populaire, est-on allé jusqu’à traiter de fable tout ce qui s’était dit à ce sujet, et cependant il est bien exact que le caméléon change de couleur. Il m’est arrivé en très-peu de temps de le voir passer successivement du noir profond au jaune pâle, au violet, au gris, au bleu, au rose, et cela dans un court espace de temps. Ces changements de coloration sont provoqués par les passions et la colère ; la peur les fait rapidement apparaître. Nous pouvons donc et nous devons, pour les expliquer, invoquer le système nerveux. Mais ce système agit-il directement ou par l’intermédiaire des vaisseaux ? en un mot, les nerfs influencent ils la circulation, de façon à produire les colorations diverses par un plus ou moins grand afflux de sang ? Une expérience des plus simples démontre que le système nerveux agit directement, car si sur un membre on lie les vaisseaux en laissant le nerf intact, les changements de coloration paraissent se succéder, tout comme si les artères amenaient le sang dans les tissus. — Mais si, d’autre part, on coupe le nerf, les tissus deviennent d’un noir profond et persistent dans cette coloration ; les autres parties peuvent devenir blanches que celle-ci reste noire.

C’est donc, à n’en pas douter, le système nerveux qui, directement, influence les changements de coloration. Il est probable que les nerfs affectés à cette fonction sont de même ordre que les vaso-moteurs, car lorsque l’animal est empoisonné par le curare, que les autres nerfs sont par conséquent paralysés dans leurs fonctions, le caméléon prend une couleur noire ; si l’on électrise le sciatique, dans l’épaisseur duquel doivent exister les nerfs de coloration, les muscles ne se contractent point, mais la teinte du membre change, preuve que l’électrisation agit encore sur ces nerfs. Leur action persiste malgré le curare, comme le font les vaso-moteurs.

Un point très-curieux à noter est l’indépendance des deux yeux du caméléon. Chaque œil donne à cet animal une perception différente, et la chose est si vraie, que lorsqu’on le réveille en mettant une lumière devant un œil, la moitié du corps correspondant à l’œil réveillé se colore d’une nuance différente de celle que revêt l’autre moitié lorsqu’on le réveille à son tour. Les deux perceptions lumineuses ont été différentes, les deux effets sur la coloration s’en sont ressentis. Aussi les caméléons ne regardent-ils jamais leur proie que par un seul œil à la fois.

M. Pouchet doit, dans la prochaine séance, nous exposer le résultat de ses recherches microscopiques sur la cause de ces changements de coloration ; je vous dirai cependant ce que j’ai observé. Ils sont provoqués par des tubercules situés sur la peau et qui se colorent diversement grâce à des corps très-singuliers et doués de mouvements amiboïdes ; ils s’étendent, s’enchevêtrent, se contractent, et, par ces métamorphoses successives, amènent les variétés de teintes que nous avons signalées.

Un fait très-important encore et dont je me suis occupé, c’est la façon dont les caméléons appréhendent leur proie. Lorsqu’on les met en présence d’une proie vivante, une grosse sauterelle par exemple, on les voit s’approcher, la regarder d’un œil, bâiller fortement pour dégager leur langue renfermée dans une poche spéciale, puis lorsqu’ils se trouvent à une distance de 10 à 15 centimètres, ils dardent une longue langue tubuliforme, saisissent l’animal et l’attirent avec une telle rapidité, qu’on ne peut se rendre compte de ces derniers mouvements. J’ai pu m’assurer que la langue était propulsée par un mécanisme analogue à celui par lequel s’échappe un noyau de cerise pressé entre les doigts. Des bandelettes musculaires qui entraînent la langue jouent ici le même office que les doigts qui pressent le noyau.


MOTEUR ÉLECTRO-CAPILLAIRE

La machine représentée dans le dessin ci-joint est un petit moteur, capable de mettre d’autres appareils en mouvement. L’intérêt de cette machine réside, dans son principe, dans la nature des forces qui la font marcher, et qui sont ici pour la première fois employées à produire un travail.

Le lecteur connaît bien ces forces, il en voit tous les jours les effets. L’eau contenue dans un verre présente une surface plane et horizontale ; mais tout près des bords, elle se relève en remontant le long de la paroi, en dépit de la pesanteur ; l’huile monte dans une mèche dont l’extrémité plonge dans le liquide ; une goutte de mercure jetée sur une table, au lieu de s’étaler en vertu de son poids, se rassemble en forme de sphère plus ou moins aplatie. Les physiciens ont soumis ces phénomènes à une étude approfondie ; ils sont partis d’un cas simple pour expliquer tous les autres, au cas où l’on plonge dans l’eau l’extrémité d’un tube de verre capillaire. On sait que l’eau s’élève dans ce tube a une hauteur qui est en raison inverse du diamètre du tube. C’est à cause de ce point de départ qu’on appelle les phé-