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de banc de vapeur, brume à sa partie inférieure, nuage à sa partie supérieure qu’il ne pourra attribuer à aucun des types de la classification. Cet exemple pourrait être suivi par quelques autres, mais il nous suffira pour le présent de l’avoir mentionné isolément.

Entrant immédiatement dans notre sujet, nous commencerons par examiner les différents aspects de ces nappes de vapeurs à surface supérieure plane, et nous verrons dans la suite à quelle hauteur elles peuvent être suspendues dans l’atmosphère. La gravure ci-contre, exécutée d’après nature par mon frère, représente la surface supérieure d’une semblable brume. À terre (24 septembre 4174), le ciel était gris. À 200 mètres d’altitude, nous entrons en ballon dans la brume, qui avait tout à fait l’aspect d’un brouillard terrestre. Ce banc de vapeur avait 200 mètres d’épaisseur. La lumière était très-faible à sa partie médiane. Vers la partie supérieure, la brume devenait blanchâtre opaline, elle se séparait de l’air à 400 mètres en une couche, non pas tout à fait lisse, mais légèrement mamelonnée, comme le montre le dessin. Ce plateau supérieur était tout à fait blanc et réfléchissait avec tant d’intensité les rayons solaires que l’œil en supportait difficilement l’éclat ; du côté du soleil il était légèrement doré. On y voyait çà et là des crevasses sombres comme celles d’un glacier. À l’horizon, il était dominé par des masses de vapeurs arrondies à la façon des cumulus. Ce banc de vapeur était très près de terre, puisque sa surface inférieure se rencontrait à 200 mètres du sol, et que sa surface supérieure se séparait de l’air à 400 mètres d’altitude. 11 se déplaçait avec une faible vitesse dans une direction faisant un angle appréciable avec celle du courant supérieur. Il persista sans variation d’aspect pendant toute la durée de notre voyage qui fut de 3 heures, et probablement pendant toute la journée, puisque l’aspect de l’air, vu de terre, fut constamment le même depuis le matin jusqu’au soir.

Ces bancs de vapeurs sont généralement en suspension à la partie supérieure d’une couche d’air se mouvant la plupart du temps dans une direction différente de celle au-dessous de laquelle elle se trouve ; on pourrait les comparer aux bancs de glace flottant à la surface de la mer.

Nous avons observé, mon frère et moi, un banc de nuages presque tout à fait semblable dans notre ascension du 10 février 1873. Il avait une épaisseur de 380 mètres environ, brumeux à sa partie inférieure, il était formé à son centre d’une nuée blanche opaline toute remplie de paillettes de glace à la température de 2 degrés au-dessous de zéro 1 et sa surface supérieure d’un blanc éblouissant se séparait encore très-nettement de la couche d’air superposée. Ce banc de nuages flottant à la surface du courant atmosphérique superficiel, se mouvait dans une direction faisant encore un angle appréciable avec

1 Voy. les Nuages de glace ; 4e année 1876, 2e semestre, p. 65.

le courant supérieur qui se dirigeait du sud-est au sud-ouest. 11 était suspendu dans l’atmosphère à une hauteur assez considérable, sa surface supérieure étant à 1180 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le temps se trouvait être gris et sombre à la surface de la terre ; au-dessus du banc de nuages, l’air était limpide, le ciel bleu resplendissant, le soleil ardent. Gaston Tissandier.

— La suite prochainement. —

LES TREMBLEMENTS DE TERRE

DES 20 ET 28 JANVIER 1878

EN FRANCE, EN ANGLETERRE ET EN ESPAGNE.

Le lundi 28 janvier 1878, de légères secousses de tremblement de terre ont été ressenties à Rouen, au Havre, à Caen, et tout le long du littoral de la Manche. Le Bulletin de l'Observatoire nous apprend que le phénomène a été également observé dans les Hautes-Pyrénées à Tarbes, et en Alsace à Thionville. Nous recevons de l’un de nos abonnés les renseignements suivants au sujet des effets observés à Caen :

Lundi 28, vers 11 heures 45 minutes, une faible secousse s’est fait sentir. La sensation a été à peu près identique à celle produite par le passage d’une lourde charrette. Le mouvement a dû avoir lieu de l’est à l’ouest, car c’est de cette seule direction qu’il put détruire l’équilibre de ma pendule, qui s’est arrêtée immédiatement. C’est le troisième qui se produit depuis 25 ans. Le premier, vers 1859, a été le plus violent ; le deuxième s’est produit il y a une dizaine d’années. Il n’y a aucun dégât à signaler : les seuls indices ont été le tremblement des vitres et des tableaux suspendus. De plus, une éprouvette que j’avais dans ma chambre, posée verticalement, a été renversée. M. de la Germonière, maire du Vast (Manche), a, d’autre part, écrit la lettre suivante à l’Observatoire de Paris :

J’étais à table déjeunant avec ma famille lorsque, vers midi 15 minutes, nous avons tout à coup ressenti une secousse très-sensible. Toute la vaisselle a fortement vibré, et cette sensation a été ressentie, au même moment, par différentes personnes dans la maison et dans des habitations assez éloignées de la mienne. Le temps était calme, mais immédiatement après l’oscillation est survenu un violent coup de vent venant du sud. Ce fait a été observé également par M. Clouard, ingénieur civil, et par M. le curé du Vast.

A Versailles, la secousse s’est fait sentir à midi 2 minutes à la préfecture. Parfaitement accusée, elle a duré environ six secondes, dirigée d’abord du nord au sud, puis de l’est à l’ouest. À Paris, les oscillations ont été assez violentes sur certains points, au ministère de la justice, par exemple. Rue des Viviers, une jeune fille travaillait à la couture mécanique lorsque sa machine a reculé vers l’ouest. La secousse a été si brusque que cette demoiselle s’est jetée tout effrayée dans les bras de sa mère. Boulevard Beaumarchais,