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tempérée, leur eût ouvert des terres, où ces types purent se propager en toute liberté.

Fig. 5. — Espèces mio-pliocènes caractéristiques de Senigaglia.
1. Quercus Fallopiana, Massal. — 2. Quercus Cornaliæ, Massal. 3. Liriodendron Procaccinii, Ung. — 4-5. Tilia Mastaiana, Massal. (feuille et fruit). — 6-7. Cercis Virgiliana, Massal, (feuille et fruit).

Dans la vallée du Rhône, à la même époque, la mollasse marine de Saint-Fons (Isère) comprend le Platane ; les lignites de la Tour-du-Pin montrent ce même Platane associé au Hêtre pliocène (Fagus sylvatica pliocenica) à feuilles déjà entières et ondulées sur les bords et à une Juglandée voisine de notre Noyer indigène. Par ces lignites, par celles de Hauterives, par les sables de Trévoux, nous entrons dans le pliocène et nous rencontrons partout le Hêtre, que les cinérites du Cantal vont nous offrir en grande abondance. Cet arbre doit être pour nous l’indice le plus précieux du climat que possédait l’Europe d’alors et qui lui permit de conserver dans une association harmonieuse les éléments qui constituent les plus riches forêts du nord, combinés avec ceux qui entrent dans la composition des massifs boisés des îles Canaries et des confins de la région caucasienne.

Fig. 6. — Plantes pliocènes de Vaquières (Gard).
1-2. Arundo ægyptia antiqua, Sap. et Mar. 1. Tige adulte. 2. Feuille. — 3-5. Alnus Stenophylla, Sap. et Mar. 3-4. Feuilles. 5. Fruit. — 6. Viburnum palæomorphum, Sap. et Mar. — 7. Viburnum assimile, Sap. et Mar.

Avant de pénétrer au sein de ces forêts primitives encore à l’abri des atteintes de l’homme, trop faible ou trop isolé, trop peu intelligent peut-être pour avoir la pensée de les détruire, imitons ces voyageurs qui abordent par mer une contrée inexplorée, qu’ils viennent visiter : des fouilles opérées par M. le professeur Marion et par moi, près de Vaquières, dans le Gard, donnent la facilité de reconstituer intégralement la végétation qui accompagnait les rives d’un petit fleuve, vers son embouchure. La mer au sein de laquelle venait se perdre ce cours d’eau qui se confondait peut-être avec le Gardon actuel appartient aux premiers temps de la période pliocène, puisque ses dépôts sont immédiatement postérieurs à ceux des couches à congéries. Les eaux probablement limpides du Gardon pliocène étaient ombragées d’un rideau touffu d’Aunes, appartenant à une élégante espèce qui tient le milieu entre un Aune syrien, Alnus orientalis Dne, et l’Alnus maritima Leg., du Japon. À cet Aune aux feuilles élancées, finement denticulées sur les bords (Alnus sténophylla Sap. et Mur.) (fig. 6), se mêlaient des Viornes, dont l’une rappelle notre Laurier tin, taudis que l’autre a son analogue actuel en Chine. Plus loin, des Lauriers, des Érables, de la section de notre Érable à feuilles d’obier, un célastre épineux d’affinité africaine formaient des fourrés, qu’un Smilax sarmenteux rendait inextricables. À l’écart, non loin des eaux, dans le sable humide, croissait le Glyptostrobus europæus, dont l’homologue chinois sert d’encadrement aux rizières de la province de Canton ; mais de plus, à Vaquières, un grand roseau, assimilable à une race, qui de nos jours couvre les bords du Nil ou encore à l’Arunda mauritanica, Desf., d’Algérie, multipliait ses colonies au contact même de l’eau qui baignait en même temps les touffes d’une élégante fougère, Osmundo bilinica (Ett.), Sap. Cette osmonde offre cette particularité de dénoter la présence d’une section devenue étrangère à l’Europe,