comme celui des Tilleuls, commencent à se montrer, en y venant par la direction du nord ; les exemples répétés de Celtis ou Micocouliers sont bien authentiques, et les Ormes affectent des caractères qui permettent de les confondre avec l’Ulmus campestris, L., de l’Europe actuelle.
À cette époque, notre continent possédait un Tulipier (fig. 6, 4), un Liquidambar (fig. 2, 4-5), un Platane (fig. 2, 2-3), une Vigne très-peu différente de la nôtre (fig. 8, 1), un Robinier dont on a signalé à la fois les feuilles et les fruits (fig. 7, 2-3). Les aigrettes plumeuses recueillies à Œningen prouvent la présence de nombreuses Synanthérées ; l’Europe comprenait encore des Frênes, des Lauriers-Roses, des Cornouillers, des Viornes, des Clématites et une foule d’autres types que nous sommes forcé de passer sous silence. Cependant, une curieuse Hamamélidée (fig. 8, 2), le Parrotia fagifolia, Hr., doit être mentionnée, parce qu’elle a été observée dans les régions arctiques et qu’elle se retrouve, bien après la fin du miocène, dans les marnes avec Elephas meridionalis du midi de la France, en compagnie du Planera Ungeri (voy. fig. 2, 1), dont l’homologue vivant existe de nos jours en Crète, tandis que l’Hamamélidée la plus rapprochée du Parrotia fagifolia, le P. persica, est indigène de la Perse, comme l’indique son nom.
C’était donc au total une riche et noble végétation que celle qui couvrait l’Europe au temps de la mollasse ; elle offrait un mélange harmonieux de formes maintenant dispersées dans des régions très-diverses ; son opulence, sa variété, la beauté des forêts, l’élégance des massifs qui servaient de rideau aux eaux dormantes ou accompagnaient le bord des fleuves, tout s’accordait en elle pour étaler un merveilleux spectacle, qu’il n’était pas encore donné à l’homme de saisir ni d’apprécier.
Il est vrai qu’on a prétendu faire remonter jusqu’au miocène les premiers vestiges de notre race, mais d’autres observations portent à rejeter ces indices comme ne s’appuyant sur rien de réel, et l’évolution encore imparfaite de plusieurs séries de Mammifères, parmi lesquels les ruminants n’avaient encore d’autres représentants que des cerfs et des bouquetins, est bien faite pour servir de confirmation à ces doutes. Les Pachydermes dominent toujours dans la faune mollassique ; les tapirs et les rhinocéros ont remplacé les anthracotheriums ; les mastodontes précèdent les éléphants et les hipparions du miocène supérieur annoncent les chevaux encore absents.
De nombreuses localités du temps de la mollasse, riches en empreintes végétales, ont offert à plusieurs savants d’innombrables documents sur la flore de cet âge, qu’ils ont dépouillés de manière à en reconstituer fidèlement le tableau.
Les lignites de la Wétéravie (Salzhausen, Rockenberg, etc.), Gunzbourg en Bavière, Bilin en Bohême, Menat en Auvergne, le mont Charray en Ardèche, Œningen en Suisse, Parschlug et Gleichenberg en Styrie, Tokay en Hongrie, Stradella en Italie, sont les principales de ces localités dont quelques-unes sont justement célèbres.
Je ne veux parler ici que de la plus remarquable et de la mieux explorée de toutes, celle d’Œningen, près de Schaffouse, qui résume, pour ainsi dire, en elle toutes les autres, et qui renferme non-seulement des plantes, dont M. Heer a décrit près de 500 espèces (475), mais de nombreux restes d’animaux : mammifères, oiseaux, reptiles et poissons, mollusques et crustacés, arachnides, insectes ; ces derniers ont fourni plus de 800 espèces. C’est à Œningen qu’on a recueilli la grande Salamandre, Andrias Scheuchzeri, Holl., dont le type vivant a été retrouvé au Japon (Andrias japonicus, Tem.). Les immenses travaux de M. Heer qui ont eu à la fois pour objet les végétaux et les insectes de ce dépôt ont suggéré à cet auteur des rapprochements ingénieux et l’ont amené à des inductions à la fois si hardies et si précises sur l’ancienne configuration des lieux, sur les événements physiques et biologiques dont ils furent le théâtre, sur les caractères de la flore, la nature du climat et l’ordre des saisons, à l’époque où s’accumulèrent les plaques fossilifères, que je ne puis mieux faire que d’emprunter les détails suivants aux publications de mon savant ami, surtout à son livre intitulé Le monde primitif de la Suisse. Selon l’exposé de M. Heer, les eaux du lac d’Œningen subirent dans le cours des âges de grandes transformations qu’il est naturel d’attribuer aux caprices de la rivière qui avait sur ce point son embouchure ; mais il est en même temps possible qu’un relèvement et un affaissement du sol, provenant de mouvements volcaniques, y aient aussi contribué.
Dans une assise inférieure, nommée couche à insectes, et composée d’environ deux cent cinquante lamelles ou feuillets, on distingue jusqu’aux saisons qui ont dû présider à la formation de chacun d’eux. Les fleurs de Camphrier, associées à des feuilles de Peuplier, annoncent le printemps. Les fruits d’Orme, de Peuplier et de Saule, réunis sur la même plaque, font naître la pensée du commencement de l’été ; enfin les fruits de Camphrier et de Diospyros, ceux de la Clématite et de plusieurs Synanthérées rassemblés pêle-mêle marquent l’approche de l’automne.
L’arbre le plus commun est un Érable, Acer trilobatum, Al. Br., qui devait vivre sur un point rapproché des anciennes eaux ; il en est de même des Peupliers, Populus latior et P. mutabilis (fig. 1), d’un Sapindus, S. falcifolius, Hr., d’un Noyer, Juglans acuminata, Al. Br., et des Podogonium. Ces derniers, associés à de nombreuses Laurinées et à plusieurs Chênes, formaient sans doute de grandes forêts. Les plantes aquatiques proprement dites sont rares, mais celles qui servaient aux eaux de bordure immédiate, comme les Roseaux, les Massettes, un bel Iris, I. Escheri, Hr., des Joncs et des Cypéracées, sont au contraire fort répandues.