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LE GRAND BALLON CAPTIF À VAPEUR
DE M. HENRY GIFFARD
(Suite. — Voy. p. 71, 103, 124, 183 et 193.)

Grâce au remarquable appareil que M. Henry Giffard a construit pour la production en grand du gaz hydrogène, un petit ballon libre de 560 à 600 mètres peut être gonflé dans la cour des Tuileries en vingt-cinq ou trente minutes. On voit l’aérostat s’arrondir comme par enchantement et se trouver prêt à partir en aussi pou de temps qu’il en faut pour atteler un cheval à une voiture. Les amateurs auxquels les ascensions captives ont inspiré le goût des aventures aériennes peuvent donc trouver dans l’enceinte du ballon captif, le moyen d’exécuter un voyage en ballon libre.

Rien ne fait mieux comprendre l’importance de la construction aérostatique de M. Giffard, que le gonflement d’un petit ballon de 600 mètres cubes, opéré à côté du grand colosse aérien. En voyant l’humble sphère se balancer auprès de l’immense Captif, on croirait voir une noisette placée à côté d’une pomme. La noisette enlève cependant trois voyageurs que l’on voit s’élever et disparaître dans l’azur du ciel.

La première ascension libre a été exécutée le 15 août par Don Carlos et son beau-frère, le comte de Bardi, accompagné de l’un des aéronautes attachés au service du ballon captif. Le départ a eu lieu à cinq heures du soir. Les voyageurs s’élevèrent promptement jusqu’à l’altitude de 1 800 mètres, et ils se dirigèrent vers le nord-est. Après avoir passé à côté de beaux cumulus, ils traversèrent la forêt de Villers-Cotterets, où ils furent saisis par des tourbillons aériens qui imprimèrent quelques mouvements de rotation au ballon. La descente s’opéra dans d’excellentes conditions, près de la station de Vierzy (Aisne.)

La deuxième ascension libre a eu lieu le 21 août. Les voyageurs qui prirent place dans la nacelle avec l’aéronaute étaient Mlle Sarah Bernhardt, de la Comédie-Française, et le peintre M. Clairin. Ce voyage s’est accompli à cinq heures trente minutes dans des conditions particulièrement intéressantes. L’air était dans un état d’immobilité absolue, il n’y avait pas un souffle de vent ; le ballon s’éleva verticalement, en disparaissant bientôt au sein d’une nappe de nuages. Un quart d’heure s’était à peine écoulé que les spectateurs virent, non sans surprise, l’aérostat descendre assez rapidement à une centaine de mètres de son point de départ, presque au-dessus du pont de la Concorde. Un sac de lest vidé à propos le fit remonter dans l’atmosphère ; il disparut à nouveau dans les nuages. Le vent, dans les régions supérieures, était absolument nul comme à terre, et l’aérostat redescendit encore une fois dans le voisinage du ballon captif ; on le vit planer dans les airs à une portée de fusil de la nacelle du grand Captif qui se trouvait alors à 500 mètres d’alti-