Page:La Nature, 1879, S1.djvu/215

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doute le Bathybius de Huxley, il ne semble pas qu’on puisse récuser le Protobathybius de Bessel. Le même auteur a signalé, sous le nom de Hæckelina gigantea, une autre monère plus compliquée dans laquelle des individus distincts s’unissent sans se confondre, de manière à constituer des espèces de colonies. C’est aussi le cas du Myxodyctium sociale, décrit pour la première fois par Hæckel et que l’on peut se figurer connue un assemblage de Protogènes soudées par leurs pseudopodes. Nous croyons savoir qu’un jeune naturaliste plein de talent, M. Schneider, professeur à la Faculté des sciences de Poitiers, vient de trouver dans la terre humide un être analogue (fig. 3 et 5).

Enfin Greef, professeur à Marbourg, a signalé dans la vase des eaux douces des masses protoplasmiques qu’il désigne sous le nom de Pelobius et qui semblent jouer, dans nos étangs et nos cours d’eau, le rôle attribué au Bathybius dans la mer.

Dans ces êtres, il n’y a pour ainsi dire pas d’individu. Dans une autre série de Monères, au contraire, l’individualité s’accuse de plus en plus et la reproduction se présente comme une fonction bien distincte. Ce n’est plus une simple division en deux parties d’un corps devenu en quelque sorte trop grand : il y a production de corps reproducteurs spéciaux, fort remarquables parce que leur forme, très simple cependant, se retrouve avec une grande constance non seulement chez un assez grand nombre de Monères, mais encore chez beaucoup de végétaux et d’animaux inférieurs. On peut donner le nom de Spores à ces corps reproducteurs.

Les Protomonas, si bien étudiées par le naturaliste russe Cienkowski, sont de petites Monères à pseudopodes courts, mais filamenteux. Les unes sont d’eau douce comme le Protomonas amyli, qui vit parmi les débris de certaines algues en décomposition, les Nitella, d’autres sont marines, comme la Protomonas gomphonematis. À une certaine époque de leur existence, les Protomonas rétractent leurs pseudopodes et se transforment en petites sphères parfaitement régulières. La couche extérieure de la sphère devient plus résistante que le reste du protoplasme et constitue une sorte de kyste membraneux dans lequel le protoplasme se segmente en un nombre considérable de petites masses globuleuses. Puis le kyste se rompt et les petites masses s’échappent. Elles présentent alors à peu près la forme classique sous laquelle on représente les larmes dans les cérémonies religieuses. Ce sont de petites corpuscules pyriformes dont l’extrémité amincie se prolonge en un long et mince filament, une sorte de cil dont les mouvements ondulatoires permettent à la jeune spore de se déplacer rapidement dans le liquide ambiant. Bientôt des pseudopodes poussent sur toute la surface du corps reproducteur, le cil se confond avec eux ; puis un certain nombre de spores ainsi modifiées s’assemblent, se fusionnent complètement et reconstituent une Protomonas.

Les Vampyrella, également découvertes par Cienkowski, diffèrent surtout des Protomonas parce que leurs kystes ne fournissent jamais que quatre spores à la fois. Beaucoup habitent les eaux douces et leur corps peut présenter les formes les plus variées depuis celles d’un soleil de feu d’artifice jusqu’à la forme la plus bizarrement découpée. Elles sont extrêmement voraces ; mais leur nourriture paraît être exclusivement végétale. On les voit se fixer à la surface de ces filaments verdâtres qui envahissent les eaux stagnantes et qui sont connues sous le nom de conferves. La paroi de la conferve se dissout au point où s’est fixée la Vampyrella et le contenu vert de l’algue passe dans la substance de la Monère. Il semble que celle-ci hume, au moyen d’une succion, le contenu de celle-là, comme les Vampyres étaient réputés humer le sang des malheureux auxquels ils s’attaquaient. C’est là l’étymologie du nom de notre Monère (fig. 7).

De petits organismes, en forme de bâtonnets, récemment étudiés par M. Van Tieghem, les Amylobacters, jouissent comme le protoplasme des Vampyrelle de la faculté de dissoudre et de décomposer la paroi, si résistante d’ordinaire, des cellules végétales.

Un mode de reproduction très analogue à celui des Protomonas est présente par une splendide Monère trouvée à l’île Lancerote, l’une des Canaries, lors du séjour que firent dans ces îles MM. Herman Fol, Greef et Hæckel, et décrite par Hæckel sous le nom de Protomyxa aurantiaca. Le Protomyxa se trouve ordinairement sur des coquilles abandonnées, on la reconnaît à sa belle couleur orangée qui tranche sur le fond blanc de la coquille. Elle allonge en tous sens ses pseudopodes ramifiées et diversement contournées, toujours à la recherche d’Infusoires et de petits Crustacés dont les carapaces sont longtemps reconnaissables dans la masse gélatineuse qui s’est nourrie à leurs dépens. Quand elle a suffisamment grandi, le Protomyxa se comporte exactement comme les Protomonas, elle rentre ses pseudopodes, s’enferme dans une membrane qui n’est qu’une modification de sa substance périphérique ; puis elle se segmente en une multitude de spores orangées, exactement semblables du reste à celles que nous avons précédemment décrites. Ces spores n’ont, pour se transformer en Protomyxa, qu’à grandir et à émettre des pseudopodes, ce qu’elles font du reste de très bonne heure (fig. 2 et 4).

Les Myxastrum sont des monères assez semblables, sauf la couleur, aux Protomyxa. Ils en diffèrent surtout parce que dans le kyste les spores se disposent en rayonnant autour du centre.

Les formes que peuvent revêtir les êtres vivants constitués par une substance tout à fait homogène, formes si simples qu’il est difficile de concevoir quelque chose qui le soit davantage sont, comme on le voit, assez nombreuses et il est fort probable qu’il y a encore bien des découvertes à réaliser dans ce domaine. L’étude rapide que nous venons d’en faire