Page:La Nature, 1879, S2.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE GRAND BALLON CAPTIF À VAPEUR
DE M. HENRY GIFFARD[1]

Nous avons décrit le ballon captif de la cour des Tuileries avec trop de détails, pour ne pas enregistrer ici le dernier chapitre de sa longue et glorieuse histoire. Après avoir si admirablement fonctionné l’année dernière, après avoir accompli plus de mille ascensions et enlevé plus de 35 000 voyageurs pendant la durée de l’Exposition de Paris en 1878, le grand aérostat a été une seconde fois gonflé dans les premiers jours de juin 1879 et sa nacelle a été ouverte au public le 15 du même mois. Depuis cette époque, la saison a été si pluvieuse, l’air si fréquemment agité, que les ascensions ont presque constamment été entravées par le temps. Cependant les ascensionnistes n’ont jamais fait défaut, bien loin de là ; ils se présentaient au contraire en grand nombre, dès que l’on détachait les amarres de l’aérostat, et prouvaient ainsi que le public ne s’est pas encore lassé de contempler les panoramas aériens.

Le samedi 10 août devait être le dernier jour du ballon captif. Dans l’après-midi, le vent s’éleva à Paris avec une violence extrême ; à quatre heures de l’après-midi, de gros nuages noirs déversèrent des torrents de pluie dans toutes les rues, et cela au milieu d’un véritable cyclone. Le grand Captif supporta d’abord les premiers coups de la tempête, mais malheureusement il ne se trouvait pas complètement rempli de gaz ; le tissu au lieu de présenter au vent une surface arrondie et convexe, se creusait en concavités qui faisaient voiles, et donnaient une prise énorme à l’ouragan. L’étoffe soulevée avec énergie à la partie inférieure de l’aérostat, entraînait la soupape de l’appendice qui, ne pesant pas moins de 400 kilogr. lui faisait éprouver en retombant, des chocs très énergiques. À 4 heures 55 minutes, le tissu, malgré sa solidité, se déchira ; la déchirure s’augmenta jusqu’au pôle supérieur de la sphère immense ; les vingt-cinq mille mètres cubes d’hydrogène qui s’y trouvaient emprisonnés, furent en une seconde disséminés dans l’atmosphère. L’aérostat vidé tomba à terre.

Il est certain que cet accident ne serait pas arrivé si le ballon captif avait été entièrement plein de gaz. M. Henry Giffard reprendra peut-être une autre année la construction d’un nouvel aérostat captif ; il complétera dans ce cas son appareil à gaz, par un gazomètre, qui permettra de remplir presque instantanément la sphère aérostatique, dès que l’hydrogène se trouvera contracté par un brusque abaissement de température. Le ballon se trouvera ainsi à l’abri des surprises de l’ouragan. Nous publions aujourd’hui comme document complémentaire de nos descriptions antérieures,

  1. Voy. la Nature, 1878, 1er  et 2e semestres, tables des matières.